La Convention contre la criminalité organisée est considérée comme étant le principal instrument international de lutte contre la criminalité transnationale organisée. Sa structure et ses caractéristiques sont le résultat d'un processus de négociations qui a vu la participation active de pays développés et en développement de toutes les régions du monde. Cette participation était fondamentale en raison de la nature même de la criminalité transnationale organisée. S'attaquer à la criminalité transnationale organisée signifie faire face à des groupes criminels qui cherchent les conditions les plus favorables pour leurs opérations et cherchent à tirer des profits en exploitant les risques, les avantages et les opportunités de marché des pays. Par conséquent, une stratégie réussie requiert l’absence de maillon faible et l'engagement du plus grand nombre de pays possible.
Le premier problème auquel les États ont dû faire face était la définition même d’une infraction transnationale organisée, et il est devenu évident que tenter de donner une définition universelle aurait été un exercice futile (Vlassis, 2001). La Convention, un instrument international juridiquement contraignant pour les nations qui l’ont ratifiée, vise à apporter une réponse aux besoins actuels et futurs de la justice pénale. Les groupes criminels organisés s’adaptent constamment aux changements aux niveaux local et international et modifient leurs activités sur la base d’une analyse coûts-avantages des opportunités illicites disponibles. Ainsi, tenter d'établir une liste de toutes les activités relevant de la criminalité organisée aurait grandement limité la portée potentielle de la Convention. Au lieu de définir les infractions, les États ont choisi de définir les acteurs. La définition du groupe criminel organisé, qui figure à l’article 2(a) de la Convention, est analysée en détail dans le Module 1. Il suffit donc de rappeler qu’elle a été construite sur quatre critères :
La notion d’infraction grave, examinée dans le Module 1, a été longuement débattue lors de la négociation de la Convention. Les pays ne pouvant se mettre d’accord sur la viabilité du concept, le Secrétariat de l’ONU a été chargé d’effectuer une étude analytique sur la manière dont il était reflété dans le droit interne des pays. Enfin, il a été convenu de l’inclure et de le définir comme « l’acte constituant une infraction passible d’une peine privative de liberté dont le maximum ne doit pas être inférieur à quatre ans ou d’une peine plus lourde » (art. 2(b) de la Convention contre la criminalité organisée). La notion d’infraction grave est centrale pour la définition du champ d’application de la Convention contre la criminalité organisée. Pour que la Convention soit applicable, l’infraction spécifique commise par le groupe criminel organisé doit répondre aux critères définis et être passible d’une peine privative de liberté d’au moins quatre ans dans la législation nationale. En d'autres termes, la peine maximale (par opposition à la peine minimale) prévue par la loi pour l’infraction spécifique doit être d'au moins quatre ans. Si ce seuil n'est pas atteint, la Convention n'est pas applicable.
La Convention est juridiquement contraignante, ce qui signifie que les États qui ratifient la Convention acceptent d’être liés par ses dispositions. En particulier, les États parties à la Convention sont tenus d’incriminer quatre infractions majeures :
Cette disposition centrale de la Convention a été très soigneusement élaborée. Elle reflète des traditions juridiques différentes en incluant à la fois le concept d’« entente », que l'on trouve généralement dans les systèmes de common law, et la notion d’« association de malfaiteurs », principalement utilisée dans les pays de tradition de droit romain. Pour une analyse de la question de la participation à un groupe criminel organisé, veuillez consulter le Module 2.
Avant l’adoption de la Convention contre la criminalité organisée, l’incrimination du blanchiment d’argent figurait dans la Convention de Vienne de 1988 sur les drogues et se limitait donc aux infractions liées à la drogue. La Convention élargit le champ d'application pour couvrir toutes les infractions graves. Pour une analyse de la question du blanchiment d’argent, veuillez consulter le Module 4.
L’insertion d’une disposition relative à la corruption dans la Convention a fait l’objet de nombreux débats en raison du fait que la corruption est en soi une question très vaste et complexe. Considérant qu’il s’agit de l’une des méthodes utilisées par les groupes criminels organisés pour infiltrer les sphères politiques, économiques et sociales dans le monde entier, les États ont finalement accepté d’inclure une disposition dans la Convention, mais tout en sachant que la Convention contre la criminalité organisée ne pouvait pas couvrir la question de manière exhaustive. Partant de ces prémisses, la Convention a ensuite été complétée par la Convention des Nations Unies contre la corruption, qui fait l'objet d'une section distincte du présent module ainsi que d'un cours autonome. Pour une analyse de la question de la corruption, veuillez consulter le Module 4.
Cette disposition a été incluse pour protéger l’intégrité du processus de justice pénale. Il est évident que justice ne peut être rendue si les juges, les agents des services de détection et de répression, les témoins ou les victimes sont intimidés, menacés ou corrompus. Il est tout aussi évident que la coopération nationale et internationale ne sera pas efficace si les participants essentiels à l’enquête et au processus d’application de la loi ne sont pas suffisamment protégés pour leur permettre, par exemple, d’exercer leurs fonctions et de faire leur déposition sans entrave. Cette disposition exige donc l’incrimination du recours à la force physique, aux menaces ou à l’intimidation pour offrir, promettre ou donner un avantage indu afin d’obtenir un faux témoignage ou d’interférer dans le témoignage ou la production de preuves. Elle exige également l'incrimination du recours à la force physique, aux menaces ou à l'intimidation pour entraver l'exercice des fonctions officielles par un agent des services de détection ou de répression. Pour une analyse de l’entrave au bon fonctionnement de la justice, veuillez consulter le Module 2.
Le champ d'application de la Convention contre la criminalité organisée est clairement défini à l'article 3 et couvre la prévention, l’enquête et la poursuite judiciaire des auteurs des infractions énumérées ci-dessus ainsi que des infractions graves. L'article 3 comprend également deux exigences supplémentaires pour délimiter le champ d'application de la Convention : les infractions visées doivent être de nature transnationale et impliquer un groupe criminel organisé.
La manière dont la Convention traite la question de la transnationalité est particulièrement intéressante. En termes généraux, les infractions transnationales sont des infractions planifiées, dirigées, contrôlées, exécutées ou ayant des effets au-delà des frontières nationales.
L'élément de transnationalité dans la Convention contre la criminalité organisée Comme précisé à l'article 3(2) de la Convention contre la criminalité organisée, l'infraction est de nature transnationale si : (i) Elle est commise dans plus d’un État ; (ii) Elle est commise dans un État mais qu’une partie substantielle de sa préparation, de sa planification, de sa conduite ou de son contrôle a lieu dans un autre État ; (iii) Elle est commise dans un État mais implique un groupe criminel organisé qui se livre à des activités criminelles dans plus d’un État ; ou (iv) Elle est commise dans un État mais a des effets substantiels dans un autre État. |
Cependant, la Convention a été soigneusement rédigée pour éviter des failles dans la législation nationale. Pour cette raison, l’article 34(2) précise qu’au niveau national, les États sont tenus de légiférer indépendamment de la nature transnationale de l’infraction ou de l’implication d’un groupe criminel organisé.
La principale caractéristique de la Convention contre la criminalité organisée est l’accent qu’elle met sur la coopération internationale, analysée dans les Modules 8 et 11. Une coopération transfrontalière globale, multi-institutionnelle et souple est essentielle pour assurer une enquête et des poursuites judiciaires appropriées en matière de criminalité transnationale organisée. La coopération internationale en matière de justice pénale a lieu lorsque des États partagent des informations, des ressources, des enquêteurs et des procureurs pour atteindre l’objectif commun de lutte contre les groupes criminels organisés et leurs activités criminelles. La Convention contre la criminalité organisée contient une série de mesures visant à permettre et à faciliter cette coopération entre les États parties. Ces mesures comprennent :
La Convention contient également plusieurs dispositions visant à garantir son application et son fonctionnement effectifs, en particulier en ce qui concerne ses exigences en matière d’incrimination. Cela comprend des dispositions relatives aux éléments suivants :
La portée de la coopération internationale s'étend également à certaines de ces dispositions. Par exemple, l’article 24, qui traite spécifiquement de la question de la protection des témoins, comprend une disposition qui invite les États à envisager de conclure des accords avec d’autres États en vue de la réinstallation des témoins. Ces cadres et dispositions permettent à la Convention d'être flexible et capable de s’adapter à un large éventail d'infractions.
L'inclusion de dispositions relatives à la coopération internationale est importante pour faire face aux nouveaux types de criminalité tels que la criminalité liée aux espèces sauvages, les produits médicaux falsifiés, le trafic illicite des biens culturels (tous analysés en détail dans le Module 3) et la cybercriminalité (traitée dans le Module 13). Pour autant que ces infractions répondent aux critères de l’infraction grave telle que définie à l’article 2(b) – c’est-à-dire, qu’elles soient passibles d’une peine privative de liberté d’au moins quatre ans – les formes émergentes de criminalité relèvent du champ d’application de la Convention et les dispositions relatives à la coopération internationale sont donc applicables. Grâce à ces dispositions fondamentales, la Convention est devenue un instrument souple et adaptable, et reste pertinente pour la diversification des activités criminelles des groupes criminels organisés.
En complément des dispositions sur la coopération internationale, la Convention contre la criminalité organisée comprend également des articles spécifiques sur la coopération technique qui englobe l’échange d’informations (article 28), la coopération pour l’élaboration de programmes de formation spécifiques (article 29) ainsi que pour renforcer l’assistance et la coopération financières et matérielles, notamment en faveur des pays en développement (article 30).
Outre sa capacité d'adaptation, la Convention contre la criminalité organisée présente d'autres caractéristiques intéressantes. S’appuyant sur l’élan historique, les États ont pu inclure dans la Convention certains éléments novateurs tels que la disposition relative à la prévention de la criminalité organisée. La question est couverte par l'article 31 (et le Module 12), qui transfère au niveau mondial les efforts déjà discutés ou entrepris au niveau régional (Vlassis, 2001). Cette disposition est incluse pour encourager les pays à prendre des mesures appropriées pour protéger leurs marchés légaux contre l’infiltration de la criminalité organisée. L’article prévoit, entre autres, la promotion et l’élaboration de normes et de procédures destinées à sauvegarder l’intégrité des entités publiques et privées, de codes de conduite pour les professions concernées ainsi que la prévention de l’utilisation abusive de personnes morales par des groupes criminels organisés.
La question de la responsabilité des personnes morales est une autre caractéristique fascinante de la Convention (article 10 ; analysée dans le Module 4). La criminalité grave et organisée est fréquemment commise par le biais ou sous le couvert de personnes morales telles que des sociétés ou des organisations caritatives. Afin de supprimer cet instrument et bouclier de la criminalité transnationale organisée, la Convention contre la criminalité organisée exige l’établissement d’une responsabilité pour les personnes morales. L'article 10 sur la responsabilité des personnes morales est une reconnaissance importante du rôle que peuvent jouer les personnes morales dans la commission ou la facilitation de la criminalité transnationale organisée.