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La mesure des marchés et des flux de produits

Compte tenu des problèmes de mesure etde la nécessité d’orientations spécifiques pour les efforts d’interdiction et de prévention, une méthode alternative a été mise au point pour évaluer la criminalité organisée. Cette méthode tente de mesurer la criminalité organisée en évaluant les marchés et les flux de produits.

En 2010, l’ONUDC a publié une évaluation de la menace de la criminalité transnationale organisée (The Globalization of Crime: A Transnational Organized Crime Threat Assessment), qui a offert pour la première fois un aperçu mondial des marchés et des flux de produits illicites. L’ONUDC a ensuite élaboré de nombreux autres rapports axés sur les problèmes de la criminalité transnationale organisée dans des régions spécifiques du monde afin de permettre des orientations plus détaillées, comme par exemple, une évaluation des menaces de la criminalité transnationale organisée en Afrique centrale en 2011, et en Afrique de l’Ouest en 2013.

La portée de cet effort d'évaluation globale était vaste et il est mieux illustré par une unique carte, représentée dans le schéma 5.1.

Schéma 5.1 Flux mondiaux de la criminalité transnationale organisée

Source: United Nations Office on Drugs and Crime. (2010). The Globalization of Crime: A Transnational Crime Threat Assessment. Vienna: UNODC, p.2.

Le schéma 5.1 représente les conclusions de ce rapport en traçant les sources de chaque produit illicite à travers les points de transit et jusqu’à sa destination finale où il est consommé ou exploité. Les données sur lesquelles se fonde le rapport sont tirées d’informations existantes provenant d’arrestations policières, de saisies, de dossiers judiciaires, de rapports médiatiques, de rapports d’ONG et d’experts sur le terrain dans de nombreux pays qui sont directement exposés à ces marchés de produits illicites. Les marchés inclus dans le rapport sont la traite des personnes, le trafic illicite de migrants, le trafic de cocaïne et d’héroïne, le trafic illicite d’armes à feu, le trafic illicite d’espèces de faune et de flore sauvage, les produits de contrefaçon, la piraterie maritime et la cybercriminalité.

Cette analyse mondiale a contribué à changer les perspectives sur la criminalité organisée en passant d’une approche axée sur des groupes criminels organisés spécifiques et des activités individuelles spécifiques à une approche focalisée sur les marchés de produits illicites, des sources aux destinations. Le rapport met en évidence les flux exploités à des fins lucratives par des groupes criminels organisés. À titre d’exemple, les flux allant des pays d’origine aux pays de destination pour le marché illicite de la corne de rhinocéros ont été évalués sur la base de cas connus et de rapports d’autorités locales, d’ONG et des médias dans les régions concernées. Ce flux est illustré dans le schéma 5.2 dans lequel les pays où le braconnage pour les cornes de rhinocéros a été rapporté sont marqués en brun et où les pays de transit et de destination sont marqués en jaune.

Schéma 5.2 Tracé des flux de trafic illicite de cornes de rhinocéros

Source: United Nations Office on Drugs and Crime. (2010). The Globalization of Crime: A Transnational Crime Threat Assessment. Vienna: UNODC, p.155.

Les conclusions de cette évaluation globale de la menace de la criminalité transnationale organisée ont été largement confirmées dans les rapports régionaux qui se sont concentrés plus intensément sur des zones géographiques plus petites. Par exemple, le Rapport d’évaluation des menaces de la criminalité transnationale organisée en Afrique de l’Est, publié en 2013, s’est concentré sur le trafic illicite de migrants, le trafic d’héroïne, le trafic illicite d’ivoire et la piraterie. Le rapport sur l’Afrique de l’Ouest de la même année s’est concentré sur les routes du trafic de drogue, sur les trafics illicites de migrants, d’armes à feu et de produits médicaux falsifiés ainsi que sur la piraterie. Le rapport sur la région du Pacifique, publié en 2016, se concentre sur quatre formes de criminalité transnationale organisée (le trafic de drogue et de ses précurseurs, la traite des personnes et le trafic illicite de migrants, la criminalité environnementale et le trafic illicite d’armes légères) et souligne de nombreux facteurs qui contribuent à la vulnérabilité de la région aux flux illicites, tels que son emplacement entre les grandes sources et destinations de produits illicites, les frontières juridictionnelles étendues et poreuses et les différences entre les capacités de gouvernance et de détection et de répression sur tout le territoire (ONUDC (a), 2013 ; ONUDC (b), 2013 ; ONUDC, 2016). Les principales conclusions de ces rapports sur les différents marchés illicites de produits sont présentées ci-dessous :

  • Groupes criminels organisés par rapport aux marchés : Les groupes criminels organisés sont devenus moins importants que les marchés illicites qu’ils exploitent. Il y a eu quelques succès significatifs en matière de détection et de répression contre des groupes criminels organisés dans différentes régions du monde. Ceux-ci ont donné lieu à d’importantes poursuites judiciaires en matière de drogue, de traite des personnes, de produits de contrefaçon et de cybercriminalité ; lesquelles ont perturbé des groupes et réseaux criminels majeurs. Néanmoins, la demande continue, de sorte que de nouveaux entrepreneurs criminels émergent pour exploiter le marché illicite.
  • Poursuites judiciaires et activités illicites : Les stratégies d’intervention et de poursuites judiciaires réussies visant les groupes criminels organisés ne mettent pas fin aux activités illicites dont ils ont tiré profit. Si la dynamique du marché illicite (offre, demande, capacité de régulation et d’application de la loi, et concurrence) n’est pas également prise en compte, d’autres groupes poursuivront l’activité illicite.
  • Responsabilité individuelle et marchés illicites : Les fonctionnaires de police, les enquêteurs et les procureurs sont formés pour intenter des poursuites judiciaires contre des individus et des groupes relevant de leur compétence. Ils se concentrent donc sur la responsabilité individuelle pour une action passée. Ils ne sont pas formés et n’ont pas l’autorité nécessaire pour interrompre les marchés et les flux qui existent indépendamment de ceux qui pourraient les exploiter. Par conséquent, l’accent mis sur l’interdiction doit aller au-delà de la constitution de dossiers contre des individus ; il doit s’agir d’un effort plus large qui réduit également l'offre, la demande et les marchés criminels de manière plus générale.
  • Flux internationaux de produits : La plupart des flux de produits exploités par la criminalité organisée sont de nature internationale, la source de l’offre et de la demande se situant souvent dans des pays différents ou même sur des continents différents, tandis que la législation pénale ainsi que les statistiques relatives aux arrestations et aux poursuites judiciaires sont le plus souvent circonscrites par les frontières nationales. Il est donc nécessaire de mettre l’accent sur la coopération internationale et les procédures normalisées de suivi des flux et des cas de produits illicites afin de mieux lutter contre la criminalité organisée.

Les efforts déployés pour examiner les flux de produits et l’influence de l’offre, de la demande, de la concurrence, de la législation et les capacités d’application de la loi ont gagné du terrain dans les milieux professionnels et universitaires comme moyen utile pour saisir la nature et l’étendue des différents types de criminalité transnationale organisée (Albanese, 2008 ; Bisogno, 2016 ; Castle, 2008 ; Klerks, 2007 ; Mešsko, Dobovšek, Kešetovic, 2009 ; Midgley, Briscoe and Bertoli, 2014; Savona, 2006 ; Savona and Stefanizzi, 2010 ; Savona, 2014 ; Vander Beken, 2004 ; van Dijk, 2007). Les analyses des risques et des menaces fondées sur un examen minutieux des différents marchés de produits individuels constituent une approche prometteuse pour saisir l’ampleur de la criminalité organisée dans différentes régions du monde.

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