Il existe différentes manières de catégoriser les efforts de prévention de la criminalité. Deux seront étudiées ici. La première adopte une approche de santé publique et fait la distinction entre prévention primaire, prévention secondaire et prévention tertiaire. La seconde, proposée par Tonry et Farrington (1995), établit une distinction entre prévention par le maintien de l’ordre/la justice pénale, la prévention par le développement social, la prévention communautaire et la prévention situationnelle.
Le modèle de santé publique met l'accent sur la prévention des problèmes de santé. Des résultats positifs pour la santé ont été associés à la mise en œuvre de stratégies visant à encourager des modes de vie sains plutôt que d'attendre la maladie et de fournir ensuite un traitement. Cette logique a été appliquée à d'autres contextes de politique sociale. Les avantages économiques potentiels d’investir tôt afin de réduire les coûts à long terme intéressent particulièrement les décideurs, notamment dans le domaine de la prévention de la criminalité.
Brantingham et Faust (1976) préconisent une distinction entre les activités de prévention primaire, secondaire et tertiaire de la criminalité :
La prévention primaire met en lumière les conditions de l’environnement physique et social qui créent des opportunités d’infractions ou les précipitent. Ici, l'objectif de l'intervention est de modifier ces conditions afin que des infractions ne puissent pas être commises. La prévention secondaire implique l'identification précoce des délinquantes et délinquants potentiels et cherche à intervenir dans leur vie de manière à ce qu'ils ne commettent jamais d'infraction pénale. La prévention tertiaire concerne les personnes délinquantes avérées et implique une intervention dans leur vie de manière à ce qu’elles ne récidivent pas (1976, p. 290).
Tonry et Farrington (1995) établissent une distinction entre application de la loi, prévention par le développement social, prévention communautaire et prévention situationnelle.
Modèle |
Explication |
Exemples |
Prévention par le développement social |
Une forme d'intervention précoce, ce type de prévention vise à s'attaquer aux causes précoces de la criminalité. Cela implique de réduire les facteurs de risque individuels et collectifs et d'augmenter les facteurs de protection, afin de contribuer à la prévention de la commission d’infractions plus tard. |
Les exemples les plus célèbres du modèle de prévention par le développement comprennent les programmes de soutien aux parents pour les aider à mieux s’occuper de leurs enfants, les initiatives d’enrichissement scolaire telles que la formation professionnelle, les programmes de soutien s’adressant aux enfants d’âge préscolaire et l’amélioration des conditions de la transition vers l’école. |
Prévention communautaire ou à assise locale |
Le renforcement des liens de voisinages contribue à la prévention de la criminalité. Les communautés locales qui ont des liens forts et où les gens se connaissent sont généralement moins sujettes à la criminalité. L’amélioration du ‘capital social’ ou des relations entre les personnes peut contribuer à protéger les individus contre la criminalité. |
Les activités de renforcement du lien communautaire, la fourniture de services sociaux et l’augmentation du nombre de groupes de soutien communautaire contribuent à renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté et à prévenir la criminalité. |
Prévention situationnelle |
Éliminer les opportunités de commission d’infractions est un moyen efficace de prévenir la criminalité. Augmenter les risques de détection, réduire les avantages tirés de la commission d’infractions et accroître les obstacles à la commission d’infractions sont des moyens de prévention de la criminalité. |
La prévention de la criminalité situationnelle peut être aussi simple que d’installer des serrures et des alarmes, d’accroître la surveillance par le biais de l’éclairage et de rendre les bâtiments plus difficiles à pénétrer, à endommager ou à utiliser pour se cacher. |
Prévention par le maintien de l'ordre / la justice pénale |
Cette forme de prévention de la criminalité est associée au système de justice pénale - police, tribunaux et prisons - et constitue la forme de prévention de la criminalité la plus communément comprise. |
Une stratégie de maintien de l’ordre axée sur les problèmes peut aider à prévenir les problèmes récurrents nécessitant une réponse policière grâce à une analyse détaillée des problèmes de criminalité et des réponses interinstitutionnelles ; une stratégie de maintien de l’ordre axée sur la communauté est une stratégie qui encourage le/les membres de la communauté à devenir des partenaires de la police pour prévenir et gérer la criminalité ; les programmes de traitement proposés dans le cadre de procédures judiciaires peuvent traiter les causes de la criminalité ; les programmes de réinsertion en prison peuvent prévenir la récidive. |
Les modèles décrits ci-dessus suggèrent une démarcation plus rigide que ce qui est vrai dans la pratique. Différents modèles se chevauchent et présentent des similitudes (par exemple, entre prévention communautaire et prévention par le développement social). Les auteurs qui se concentrent sur une approche particulière donnent parfois l’impression que les différentes approches fonctionnent de manière isolée. Ce n'est généralement pas le cas dans la pratique. Quel que soit le contexte, il est probable que différentes formes de prévention de la criminalité fonctionneront simultanément. Des mesures de sécurité peuvent être en place pour prévenir le vol de véhicules à moteur (prévention situationnelle), tandis que les organisations communautaires travaillent avec les jeunes à risque pour encourager leur assiduité à l'école. Parallèlement, des programmes peuvent être proposés pour aider les nouveaux parents à développer leur confiance en eux et les compétences nécessaires pour élever des enfants en bonne santé et, bien entendu, il est probable que diverses activités de maintien de l'ordre auront pour but de lutter contre les problèmes de criminalité locaux et régionaux.
Une difficulté supplémentaire pour établir une définition unique de la prévention de la criminalité réside dans le large éventail d’infractions pouvant être commises, et donc prévenues. Les types d’infractions « traditionnelles », comme les voies de fait, le cambriolage, le vol et le vandalisme, par exemple, ne remettent pas en question les concepts développés par la littérature spécialisée sur la prévention de la criminalité. En revanche, la prévention de la criminalité économique et de la corruption, de la traite des personnes et du trafic illicite de migrants, du blanchiment d’argent, de la cybercriminalité, de la production et du trafic de drogue, la prévention du terrorisme ainsi que de nombreux autres types d’infractions transnationales émergentes et/ou complexes, mettent à rude épreuve le pouvoir explicatif des définitions de la prévention de la criminalité et de ses typologies.
Ce module examinera dans une section séparée les stratégies spécifiques adoptées dans le cadre de la prévention de la criminalité organisée. Pour le moment, il suffit de souligner qu’en pratique les approches en matière de prévention de la criminalité opèrent simultanément et qu’il est réellement difficile de conceptualiser l’étendue de ce que recouvre le terme de « prévention de la criminalité ».
Cette section fournit une explication détaillée des approches en matière de prévention de la criminalité incluses dans la typologie de Tonry et Farrington. En couvrant chacune plus en détail, des théories et des concepts importants seront présentés et certains des défis de la mise en œuvre de chaque type de prévention de la criminalité seront explorés.
Prévention par le développement social
La prévention par le développement social se focalise sur l’intervention précoce en réduisant les facteurs de risque associés à la criminalité future et en renforçant les facteurs de protection (France et Homel, 2007 ; Farrington et Welsh, 2007). Il y a de plus en plus de preuves du succès de la prévention par le développement social et de l'intervention précoce :
Les résultats de recherches en neurosciences, de la recherche comportementale et des sciences économiques révèlent une "convergence frappante sur un ensemble de principes communs qui rendent compte des effets puissants de l’environnement précoce sur la capacité de développement des compétences humaines", ce qui souligne la nécessité d'investir davantage pour aider les enfants défavorisés durant les premières années de leur vie (Knudsen et al., 2006, cités dans Welsh et al., 2010, p. 115).
Le professeur Ross Homel (avec sa coauteure Lisa Thomsen), spécialiste australien de la criminologie développementale, observe :
La prévention par le développement social implique l'utilisation de la recherche scientifique pour orienter l’allocation de ressources aux personnes, aux familles, aux écoles ou aux communautés afin d’intervenir sur les conditions qui favorisent les comportements antisociaux et la criminalité, avant que ces problèmes ne surviennent ou avant qu'ils ne s'enracinent… Intervenir tôt sur la criminalité, de préférence avant que ses conséquences dommageables ne soient trop difficiles à réparer, est considéré par la plupart des gens comme une approche logique à la prévention de la criminalité. Bien entendu, le double défi consiste à déterminer de manière exacte ce qui augmente les risques de criminalité chez les individus, au sein de la famille, à l’école et dans la communauté, puis à mener le plus tôt possible une action utile concernant ces conditions (Homel et Thomsen, 2017, p. 57).
Toutefois, il est difficile d’évaluer qui est à risque de commettre une infraction future, d’isoler les raisons de cette augmentation du risque, puis d’intervenir efficacement pour prévenir l’apparition de la criminalité. Farrington et Welsh (2007) nous aident à mieux comprendre quelques-uns des facteurs de risque essentiels associés à la commission d’infractions futures et les types d’intervention qui semblent les plus efficaces, grâce aux éléments suivants :
Facteurs de risque |
Interventions fondées sur des données probantes |
Facteurs de risque individuels :
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Individu :
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Facteurs de risques familiaux :
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Famille :
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Facteurs de risque environnementaux :
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Environnement :
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Bien que ces informations fournies par Farrington et Welsh (2007) soient particulièrement utiles pour comprendre les facteurs de risque critiques et les formes d’intervention, elles ne facilitent pas nécessairement les tâches difficiles associées à la conception et à la mise en œuvre d’un programme de prévention de la criminalité par le développement social. Ces tâches peuvent être particulièrement difficiles. S'assurer que les bons groupes et individus participent au programme, veiller à ce que les mécanismes de changement soient bien compris et abordés dans le cadre de l’intervention, avoir un personnel de programme correctement formé et surveiller de près l'impact de l'intervention ne sont que quelques-uns des défis de la mise en œuvre des programmes de prévention de la criminalité axés sur le développement social.
Outre ces défis, les programmes et interventions peuvent opérer à différents niveaux, notamment :
Cela signifie que les initiatives de prévention de la criminalité exigent que des décisions soient prises concernant la population cible d'un programme ou d'une intervention, avec des implications en termes de coût, de recrutement de participants, de problèmes potentiels de stigmatisation de communautés, de familles ou d'individus. Ces facteurs exercent une influence importante sur les stratégies nécessaires pour assurer la mise en œuvre efficace de programmes adaptés aux populations spécifiques.
De plus, il est important de reconnaître que l'isolement ou l'identification de facteurs de risque, tels que ceux énumérés ci-dessus, fait l'objet de critiques. Des inquiétudes ont été exprimées quant au potentiel stigmatisant de l'identification du fait que grandir dans un ménage à statut socio-économique défavorisé, par exemple, constitue un facteur de risque de criminalité. Pour certains, cela revient à stigmatiser les pauvres et à détourner l'attention des facteurs structurels contribuant à la pauvreté tout en se concentrant sur les victimes de ces désavantages structurels.
Le tableau suivant fournit des indications utiles sur certains aspects de l’élaboration et de la mise en œuvre de programmes.
Penser en termes de développement |
Avoir une approche scientifique |
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Comprendre les besoins de la communauté |
S'engager dans le développement communautaire |
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Source: Batchelor et al. (2006), p. 2. [traduction non officielle]
Prévention communautaire (prévention à assise locale)
Hope (1995, p. 21) suggère que « la prévention communautaire désigne des actions visant à modifier les conditions sociales censées entretenir la criminalité dans les quartiers résidentiels. Elle se concentre généralement sur la capacité des institutions sociales locales à réduire la criminalité dans les quartiers résidentiels ».
Dans ce contexte, « la structure et l'organisation d'une communauté affectent la criminalité qu'elle subit au-delà des caractéristiques individuelles de ses résidents » (Hope et Shaw, 1988, cités dans Hogg et Brown, 1998, p. 190). Cela signifie que la communauté (quelle que soit la définition de la communauté) dépasse la simple somme de ses résidents - on observe des effets qui découlent des interactions entre résidents, des possibilités qui leur sont ouvertes, des services qui leurs sont fournis et des relations entre eux - à la fois collectivement et avec les organismes et prestataires de services concernés.
Par conséquent, cette approche se concentre sur les communautés et sur les quartiers résidentiels et cherche à changer les conditions sociales liées à la criminalité. Il est cependant ardu de déterminer quelles conditions sociales devraient être changées et comment y parvenir.
Cette approche de la prévention de la criminalité trouve son origine, en partie, dans l’école de Chicago (Chicago School) et l’accent mis sur la désorganisation sociale. Sampson et Groves notent :
En termes généraux, la désorganisation sociale fait référence à l'incapacité d'une structure communautaire à réaliser les valeurs communes de ses résidents et à maintenir des contrôles sociaux efficaces. De manière empirique, les dimensions structurelles de la désorganisation sociale communautaire peuvent être mesurées en termes de prévalence et d'interdépendance des réseaux sociaux dans une communauté - à la fois informels (par exemple, les liens d'amitié) et formels (par exemple, la participation à une organisation) - et dans l'étendue de la supervision collective que la communauté consacre aux problèmes locaux […] les obstacles structurels entravent le développement des liens formels et informels qui favorisent la capacité de résoudre des problèmes communs (voir le diagramme [ci-dessous]). L'organisation et la désorganisation sociales sont donc considérées comme des extrémités différentes d'un même continuum en ce qui concerne les réseaux systématiques de contrôle social communautaire. (1989. p. 777).
Les obstacles structurels pouvant entraver le développement de liens formels et informels identifiés par l’école de Chicago (en particulier Shaw et McKay, cités dans Sampson et Groves, 1989) sont illustrés dans le diagramme ci-dessous. Ce diagramme montre comment des problèmes structurels généraux tels que le statut socio-économique, la mobilité résidentielle et la manière dont les personnes et les familles s'établissent dans les communautés et nouent des liens avec leurs voisins et leurs pairs peuvent contribuer à la criminalité lorsqu’ils ont un faible niveau de contrôle social informel et d’efficacité collective.
Source : Modèle causal de la version étendue de la théorie de Shaw et McKay sur la structure systémique de la communauté et les taux de criminalité et de délinquance, cité dans (Sampson et Groves, 1989, p. 783).
En règle générale, des niveaux élevés de contrôle social informel et d'efficacité collective dans une communauté locale entraînent une baisse de la criminalité. Vous trouverez ci-dessous un aperçu de la nature de ces concepts :
Sampson et ses coauteurs ont introduit le terme d’« efficacité collective », défini en termes de capacité du quartier à maintenir l’ordre dans des espaces publics tels que les rues, les trottoirs et les parcs. L'efficacité collective est mise en œuvre lorsque les résidents du quartier prennent des mesures pour maintenir l'ordre public, par exemple en se plaignant auprès des autorités ou en organisant des programmes de surveillance du quartier. Les auteurs ont fait valoir que les résidents ne prennent de telles mesures que lorsque « la cohésion et la confiance mutuelle » dans le quartier sont liées à des « attentes communes en matière d’intervention en faveur du contrôle social du quartier ». Si la confiance mutuelle ou les attentes communes sont absentes, il sera peu probable que les résidents agissent lorsque les troubles envahissent l'espace public (Vold et al., 2002, p. 131-132).
Ainsi, la prévention communautaire de la criminalité se concentre sur le renforcement des communautés par la prestation de services qui développent des liens entre les membres de la communauté et les met en contact avec des ressources et des services externes qui peuvent les aider à lutter contre la criminalité (notamment la police, les organismes de santé, la société civile et les organisations non gouvernementales). Ce contexte multisectoriel exige que ces différents acteurs externes travaillent ensemble, ce qui n’est pas toujours facile. Une prévention interinstitutionnelle efficace de la criminalité nécessite le partage de données pour aider à comprendre la nature du (des) problème(s) de criminalité, l'élaboration de plans coordonnés pour la prestation de services, le maintien d'une communication régulière et l’évaluation conjointe de l'impact des interventions.
Prévention situationnelle (prévention des situations criminogènes)
Le professeur Ron Clarke, l'un des principaux partisans de la prévention situationnelle de la criminalité, la décrit comme suit :
La prévention situationnelle de la criminalité comprend des mesures de réduction des opportunités qui (1) visent des formes de criminalité très spécifiques, (2) qui impliquent la gestion, la conception ou la manipulation de l'environnement immédiat de manière aussi spécifique et permanente que possible, (3) afin de rendre la commission d’infractions plus difficile et plus risquée, tout en réduisant les avantages qu’un large éventail de personnes délinquantes pourrait en attendre. (1997. p. 4)
Ce modèle de prévention de la criminalité suppose que beaucoup de personnes délinquantes sont rationnelles et agissent en fonction des occasions de délinquance qui se présentent. S’il est difficile de commettre une infraction, la propension à la délinquance sera réduite ; lorsque la délinquance n’est pas maîtrisée, les infractions se multiplient. On suppose que la personne délinquante pèse les avantages découlant de la délinquance, le risque d'être appréhendée et les coûts associés à l'appréhension. Les résultats de ce calcul déterminent si une infraction est commise.
Ce modèle repose également sur la théorie des activités de routine. Felson et Cohen suggèrent que :
[...] toute infraction réussie requiert au minimum un délinquant ayant à la fois des inclinaisons délictueuses et la capacité de mener à bien ces inclinaisons, une personne ou un objet constituant une cible adéquate pour le délinquant et l'absence de gardiens compétents capables d'empêcher l’infraction. (1980, p. 392).
Cela peut être représenté par le triangle de la criminalité ci-dessous :
Délinquant motivé
Cible/victime adéquate Absence de gardien compétent
Des mesures ciblant ces trois éléments de la criminalité peuvent contribuer à sa prévention.
À la fin des années 70 et au début des années 80, tandis que Felson et Cohen développaient la théorie des activités de routine, les Brantingham analysaient les tendances de la criminalité dans l'espace et dans le temps (voir Brantingham et Brantingham, 1978 ; 1981 ; 1982). De leurs recherches, ils ont conclu que :
Les infractions ne se produisent pas de manière aléatoire ou uniforme dans le temps, dans l’espace ou dans la société. Les infractions ne se produisent pas de manière aléatoire ou uniforme dans les quartiers, les groupes sociaux, ni au cours des activités quotidiennes ou de la vie d’une personne … Il y a des points chauds et des points froids ; certaines personnes cumulent les récidives, certaines personnes sont des victimes à répétition. En fait, il existe souvent un lien entre ces deux groupes. Alors que les chiffres continueront à faire l’objet d’un débat en fonction de la définition et de la population analysée, une très faible proportion de la population commet la grande majorité des infractions connues et représente également une grande partie des victimes. (2008, p. 79)
Faisant écho à Felson et Cohen (1980), les Brantingham ont attiré l’attention sur les activités de routine. Ils ont suggéré que les personnes entreprennent une gamme d'activités régulières qui se déroulent dans différents « nœuds d’activité » (maison, travail, école, shopping, divertissement). Ces nœuds d'activité sont reliés entre eux par des chemins ; les gens ont tendance à emprunter les mêmes chemins de manière habituelle pour vaquer à leurs occupations quotidiennes. Par conséquent, des personnes observent et découvrent de manière fortuite des occasions potentielles de commettre une infraction. Lorsqu'un délinquant potentiel croise une cible ou une victime potentielle, cette dernière devient réellement une cible lorsque la volonté du délinquant potentiel de commettre une infraction est déclenchée. Ces modèles d’activités routinières et quotidiennes permettent d’expliquer pourquoi certains endroits connaissent des taux de criminalité élevés - un phénomène connu sous le nom de « Théorie de la distribution spatiale de la criminalité ».
Les Brantingham suggèrent qu'il est possible de prédire les points chauds de la criminalité en comprenant ces dynamiques. En analysant des lieux spécifiques et en tenant compte de la convergence des éléments clés de la théorie de la distribution spatiale de la criminalité, il est possible de prédire où la criminalité sera concentrée.
Ensemble, l'approche fondée sur le choix rationnel des personnes délinquantes, la théorie des activités de routine et la théorie de la distribution spatiale de la criminalité révèlent comment des opportunités d’infractions surviennent dans des lieux et à des moments précis. Elles favorisent une compréhension des dynamiques de la délinquance, y compris des tendances spatiales et temporelles importantes. Elles partent du principe que la commission d’une infraction est un acte rationnel qui vise un objectif et se produit lorsqu'une personne suffisamment motivée rencontre une cible ou une victime adéquate en l'absence d'une protection compétente. Ces approches encouragent également une analyse plus approfondie des décisions spécifiques associées à la délinquance et de la manière dont elles sont affectées par l’existence d’opportunités d’infraction.
Ces explications de la criminalité peuvent servir de fondement aux mesures suivantes pour prévenir les infractions :
Cornish et Clarke (2003) ont développé la liste ci-dessus pour en tirer 25 techniques de réduction des opportunités.
Source: Cornish and Clarke (2003). [traduction non officielle]
Bien que de nombreuses données tendent à démontrer que diverses formes de prévention situationnelle de la criminalité permettent très efficacement de réduire la criminalité, ses détracteurs font souvent valoir que ces efforts ne font que déplacer la criminalité d'une zone ou d'un lieu à un autre. En dépit de ces affirmations, il a été généralement établi que le déplacement de la criminalité n’accompagne pas toutes les interventions de prévention de la criminalité et, même lorsqu’un déplacement est avéré, il ne concerne pas l’intégralité de la criminalité initiale. Par exemple, une étude de Hesseling (1994) n'a révélé « aucune preuve d’un déplacement dans 22 des études examinées ; dans les 33 études restantes, un certain déplacement avait été observé mais en aucun cas la criminalité déplacée n’était supérieure à celle évitée par la prévention » (cette étude est citée dans Clarke, 2008, p. 188). En revanche, il est de plus en plus évident que, plutôt que de déplacer la criminalité, les mesures préventives pourraient en réalité se traduire par une « dispersion des avantages », c’est-à-dire une réduction de la criminalité qui dépasse le cadre immédiat des mesures introduites. Dans ce contexte, les retombées positives nettes en termes de criminalité dépassent les résultats escomptés pour une intervention donnée car elle a entraîné non seulement une prévention de la criminalité dans la zone ciblée, mais également dans les zones adjacentes (pour une réflexion sur la prévention situationnelle de la criminalité et le déplacement de la criminalité dans le contexte de la cybercriminalité, veuillez consulter le Module 9 de la série de modules de l’ONUDC sur la cybercriminalité).
Prévention de la criminalité par l’aménagement du milieu
La prévention de la criminalité par l’aménagement du milieu (PCAM) selon Crowe repose sur la notion selon laquelle :
l'environnement physique peut être manipulé pour produire des effets comportementaux qui réduiront l'incidence et la peur de la criminalité, améliorant ainsi la qualité de vie. Ces effets sur le comportement peuvent être obtenus en réduisant la propension de l'environnement physique à permettre la commission d’une infraction (Crowe, 2000, p. 34-5).
Bloquer les opportunités de commission d’infractions en créant des obstacles ou des barrières autour des cibles, éliminer les possibilités de se dissimuler en vue de commettre une infraction, limiter les possibilités de fuite et renforcer la surveillance des personnes à potentiel délinquant (Rosenbaum, Lurigio et Davis, 1998, p. 125-12) sont autant de moyens de manipuler l'environnement physique pour prévenir des infractions.
Plus spécifiquement, la PCAM inclut maintenant couramment une série de techniques de conception, répertoriées par Cozens et al (2005) :
La PCAM et la prévention des situations criminogènes appartiennent à la même « famille » d’approches similaires en matière de prévention. La prévention situationnelle cherche à éliminer les problèmes existants tandis que la PCAM vise à « éliminer les problèmes anticipés dans de nouveaux espaces sur la base de l'expérience acquise avec des espaces de conception similaires » (Clarke, 2008, p. 182). Ainsi, Clarke suggère que la PCAM est plus orientée vers l’avenir que la prévention situationnelle.
La PCAM a suscité un intérêt généralisé au cours des dernières décennies et est maintenant pratiquée de nombreuses façons. De nombreux membres de la police et des autorités locales sont désormais formés à la PCAM. Dans certains pays, les systèmes d'évaluation de certaines formes d'environnement bâti quantifient la sûreté et la sécurité (par exemple, le processus d'accréditation Secured by Design au Royaume-Uni), des associations professionnelles de praticiens de la PCAM ont vu le jour comme, par exemple, l'International CPTED Association (Association internationale de la PCAM)), et de nombreux régimes d’urbanisation intègrent désormais systématiquement des principes de conception PCAM.
Ressources utiles sur la PCAM :
Prévention de la criminalité par le maintien de l’ordre/la justice pénale
Par prévention de la criminalité par le maintien de l’ordre/la justice pénale, on entend les activités du système de justice pénale qui visent à réduire l’incidence et la gravité des infractions. Par conséquent, la prévention de la criminalité par la justice pénale comprend un large éventail d’initiatives variées, telles que diverses actions de la police et les programmes de soutien à la réinsertion des personnes sortant de prison. Une étude exhaustive de toutes les interventions possibles en matière de prévention de la criminalité par la justice pénale dépasse le cadre de ce module. Pour un complément d’informations sur ce sujet, voir les modules suivants :
En ce qui concerne spécifiquement la criminalité organisée, ce sujet est traité dans une autre section de ce module (« Approches en matière de criminalité organisée »).
La définition ci-dessous de la prévention de la criminalité par la justice pénale donne une idée de la diversité des activités qu’englobe cette approche :
[La prévention de la criminalité par la justice pénale] traite de la délinquance une fois l’infraction commise et implique une intervention dans la vie des personnes reconnues comme délinquantes de manière à ce qu'elles ne commettent plus d'infractions. Dans la mesure où elle est préventive elle fonctionne par la neutralisation et par la dissuasion individuelle et offre parfois la possibilité d’un traitement en prison ou d’autres peines possibles (Cameron et Laycock, 2002, p. 314).
Cette définition souligne l’importance des tribunaux et des services correctionnels, y compris les prisons et les services correctionnels communautaires, pour prévenir ou empêcher la récidive. Elle aborde des concepts fondamentaux du droit pénal et de la criminologie, tels que la neutralisation, la dissuasion, la réinsertion et la réparation.
Maintien de l'ordre
La police cherche à prévenir la criminalité de différentes manières. Différents modèles de maintien de l’ordre mettent l'accent sur différentes tactiques et approches visant à prévenir ou à réduire la criminalité. Voici trois types courants de maintien de l’ordre susceptibles d’entraîner des approches très différentes de la prévention de la criminalité :
Des commentaires plus détaillés sur les approches et des études de cas spécifiques sur le contrôle de l'espace urbain figurent dans le Manuel introductif sur les activités de police en milieu urbain élaboré par l'ONUDC et ONU-Habitat (2011).
Tribunaux
Les tribunaux cherchent à contribuer à la prévention de la criminalité de différentes manières. La dissuasion générale et la dissuasion spécifique sont des objectifs de la condamnation et de la procédure judiciaire. La comparution devant un tribunal et la condamnation sont censées dissuader les personnes délinquantes de commettre une autre infraction. Cela pourrait être dû à la honte associée à la comparution devant un tribunal, à la prise de conscience du caractère répréhensible des actes par le biais de la procédure judiciaire ou aux services auxquels on pourrait avoir accès pour faciliter la réinsertion. Dans de nombreux pays, les tribunaux ont, ces dernières années, cherché à mettre au point des moyens plus créatifs pour réduire la récidive. Les tribunaux spécialisés, par exemple dans les affaires de drogue, s’efforcent de fournir des moyens d’évaluation et de traitement adéquats pour les personnes délinquantes dont il est avéré qu’elles ont des problèmes de toxicomanie ou autres. De cette manière, les tribunaux s’associent étroitement aux traitements qui contribueront à réduire les facteurs de risque associés à la délinquance continue.
Soutien en prison et après la remise en liberté
En théorie, du moins, la prison offre des possibilités de réinsertion. Cela peut prendre de multiples formes, notamment celles de programmes d’éducation et d’emploi, d’interventions thérapeutiques, de placements à l’extérieur et d’accompagnements individuels par des psychologues et/ou les services sociaux. Ces interventions peuvent viser à réduire les facteurs de risque associés à la délinquance, à préparer les détenus au retour dans la société ou à leur fournir les qualifications et les compétences nécessaires pour trouver un emploi rémunéré.
Il est accepté que le soutien après la remise en liberté est essentiel pour aider les anciens détenus à réintégrer la société et à surmonter les risques qui suivent la remise en liberté, notamment l'absence de domicile fixe, l’overdose, le suicide et la récidive. Le soutien après la remise en liberté peut prendre diverses formes telles que la fourniture d’un logement, la poursuite d’un accompagnement psychologique ou d’un suivi par les services sociaux, de l’aide pour la recherche d'emploi et des mesures qui relèvent plus du contrôle, comme par exemple la surveillance électronique et l'analyse d'urine.
Cumulées, ces interventions peuvent potentiellement réduire les risques de récidive, un aspect important de la prévention de la criminalité.