Ce module est une ressource pour les enseignants

 

Etudes de cas

 

Etude de cas 1 (Haji Bagcho - terrorisme et trafic de stupéfiants)

En 2005, Haji Bagcho a fait l’objet d’une enquête de la DEA des États-Unis, en coopération avec les autorités afghanes pour des infractions liées aux stupéfiants en Afghanistan. Il était présumé être l’un des cinq pères fondateurs de la choura dirigeante des Talibans à Kabul. Avec l’aide de collaborateurs de la justice, la DEA a acheté à deux reprises directement à l’organisation de Bagcho de l’héroïne que ce dernier pensait être destinée aux États-Unis. En 2007, des agents spéciaux de la DEA, soutenus par la Police afghane des stupéfiants, ont fait une descente dans le camp de Bagcho, localisé dans l’est de l’Afghanistan près de la frontière avec le Pakistan. Des livres de compte saisis au cours de la descente ont révélé que Bagcho avait trafiqué plus de 123 000 kilos d’héroïne pour une valeur de plus de 250 millions de dollars en 2006. Cela indiquait que son trafic représentait environ 20% de la production mondiale totale d’héroïne cette année-là. Des preuves ont également été obtenues qui ont démontré que Bagcho utilisait une partie du produit de la drogue pour approvisionner en argent liquide, en provisions et en armes les dirigeants talibans responsables des activités du groupe dans l’est de l’Afghanistan.

Bagcho a été extradé vers les États-Unis en juin 2009, reconnu coupable de distribution de stupéfiants et d’infractions liées au narcoterrorisme en 2012 et condamné à une peine de réclusion criminelle à vie. Selon les informations présentées lors de son procès, Bagcho menait son entreprise de trafic d’héroïne depuis les années 1990, avait transporté de la drogue dans plus de 20 pays et en avait utilisé le produit pour soutenir des membres haut placés des Talibans. Selon l’administratrice de la DEA, Michele Leonhart, il était un « baron de la drogue afghan dont le produit du trafic de drogue finançait le terrorisme ». Par la suite, Bagcho a déposé une requête demandant un nouveau procès à l’issue duquel sa condamnation pour narcoterrorisme a été annulée, quoique le tribunal n’a pas modifié les deux condamnations liées aux drogues.

Dossiers connexes

 

Point important à noter

  • Intersection entre le trafic illicite de drogue et le terrorisme
 

Questions de discussion

  • De quelle manière, le cas échéant, cette affaire démontre-t-elle l’existence de liens entre la criminalité organisée et le terrorisme ?
  • Pour quelles infractions Bagcho a-t-il été poursuivi en justice et condamné ? Quelle infraction en particulier relie la criminalité organisée et le terrorisme ?
  • Pour quelles raisons la condamnation pour « trafic de drogue avec financement du terrorisme » (ou narcoterrorisme) a-t-elle été annulée par le tribunal en 2015 ?
  • Que peut-on apprendre de cette affaire sur les difficultés à réunir des éléments de preuve pour démontrer l’existence de liens entre la criminalité organisée et le terrorisme ?
 

Etude de cas 2 (trafic illicite d'armes à partir du Royaume-Uni pour leur utilisation par des terroristes en Libye)

En novembre 2014, Abdurraouf Eshati a été arrêté avec 19 autres personnes à l’arrière d’un camion alors qui tentait d’entrer en France au port de Douvres, au Royaume-Uni. Il a été accusé de tentative de trafic illicite d’armes à destination de la Libye destinées à être utilisées par des groupes terroristes, en violation d’un embargo imposé par le Conseil de sécurité des Nations Unies en 2011.

Plus précisément, le rôle d’Eshati était d’agir en tant que traducteur de documents pour un trafiquant d’armes qui était situé en Italie, impliquant le passage en contrebande d’armes depuis un entrepôt situé en Slovénie vers des groupes terroristes en Libye. Le téléphone portable d’Eshati contenait une copie électronique d’une facture portant sur 1 104 tonnes d’armes (y compris les balles pour des fusils AK-47 et des cartouches munitions anti-aériennes) d’une valeur de 28,5 millions de dollars à livrer à Tobrouk en Libye, ainsi qu’un document connexe concernant l’affrètement d’un avion-cargo à un coût de 250 000 dollars pour transférer les armes vers la Libye.

Eshati a été reconnu coupable de collecte d’informations à des fins terroristes en ce qui concerne les deux documents mentionnés ci-dessus. Au cours du jugement pour la détermination de la peine, le juge John Bevan QC a déclaré : « il est évident que son implication signifie que l’on pensait pouvoir lui faire confiance en tant que confident en ce qui concerne un approvisionnement en armes à grande échelle » [traduction non officielle]. Selon le Service des poursuites judiciaires de la Couronne (Crown Prosecution Service), l’arrestation d’Eshati a conduit la police italienne à découvrir d’importantes réserves illégales d’armes importées depuis l’Europe de l’Est vers des zones de conflit en Libye et ailleurs.

Documents connexes

 

Point important à noter

  • Intersection entre le trafic illicite d'armes et une infraction en lien avec le terrorisme
 

Questions de discussion

  • Quelles infractions spécifiques Eshati a-t-il commises en vertu du droit du Royaume-Uni ?
  • Expliquez pourquoi vous pensez que cette affaire démontre ou échoue à démontrer un lien entre la criminalité organisée et le terrorisme.
 

Etude de cas 3 (le rôle de l’EIIS/EIIL dans le trafic illicite des antiquités/des biens culturels)

L’EIIS/EIIL est devenu un acteur clé du trafic illicite des antiquités et des biens culturels. En effet, on estime que chaque année les Militants de l’État islamique en Syrie et en Irak récoltent entre 150 et 200 millions de dollars grâce au commerce illicite des antiquités et des biens culturels pillés (Reuters, 2016). L’équipe de recherche MANTIS (Modelling the Antiquities Trade in Iraq and Syria) de l’Université de Chicago affirme que si « tout le monde semble s’accorder sur le fait que l’État islamique déterre et vend des artefacts archéologiques pour gagner de l’argent, […] personne ne semble s’accorder sur les sommes qu’il gagne en réalité grâce à son commerce illégal d’antiquités : les montants varient entre 4 et 7 millions de dollars » (Rose-Greenland, 2016). Selon certaines estimations, plus d’un tiers des 12 000 sites archéologiques importants d’Irak sont désormais sous le contrôle de l’EIIL. À un moment, l’implication de l’EIIL dans le trafic se limitait à taxer les ventes d’artefacts et à faire payer les permis de fouilles, mais de récents rapports indiquent que le groupe terroriste a commencé à embaucher ses propres fouilleurs et à établir son propre réseau de contrebandiers et d’intermédiaires.

Si l’une des principales motivations de la participation de l’EIIL au trafic illicite des antiquités et des biens culturels est certainement l’argent, le groupe est aussi connu pour sa destruction des artefacts représentant une identité culturelle. En 2015, une vidéo montrant des combattants de l’EIIL détruisant des antiquités assyriennes dans le musée de Mossoul en Irak a indigné le monde entier. Une analyse de la vidéo a déterminé que la plupart des artefacts détruits étaient des répliques, mais l’intention de détruire était claire. Il s’agissait d’un acte d’iconoclasme : « les actions ont été entreprise dans la croyance qu’il [l’EIIL] devait éradiquer l’utilisation de l’idôlatrie, ou de l’art représentatif, qui, selon eux, est interdit dans la ‘véritable’ interprétation de l’islam » (Asfour et Scott, 2015). De même, en 2015, l’EIIL a détruit l’ancien temple de Baalshamin dans la ville syrienne de Palmyre, qui est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Là encore, cet acte de destruction était une tentative pour éradiquer l’identité culturelle d’une communauté en particulier.

Dans le but de lutter contre la destruction par l’EIIL de sites et d’artefacts culturels, l’UNESCO a créé en mars 2017 l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH).

La Convention du Conseil de l’Europe sur les infractions visant des biens culturels interdit le commerce des « antiquités de sang ». La Convention attire en particulier l’attention sur « les groupes terroristes […] impliqués dans la destruction délibérée du patrimoine culturel et […] le commerce illégal de biens culturels [qui] représente une source de financement pour ces groupes ». Si ces tentatives pour répondre à l’implication terroriste dans le trafic illicite et la destruction des antiquités et des biens culturels sont essentielles pour élaborer une stratégie mondiale exhaustive visant à détruire l’EIIL, le mal est déjà fait. Comme l’a expliqué la directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, en faisant référence à la destruction massive de sites culturels à Aleppo, « la destruction de l’une des plus grandes et des plus anciennes villes du monde est une tragédie pour les Syriens et pour toute l’humanité […] Détruire le patrimoine de la Syrie, c’est tuer le peuple syrien une deuxième fois » [traduction non officielle].

Dossiers connexes

 

Points importants à noter

  • Relier le trafic illicite des biens culturels au terrorisme
 

Questions de discussion

  • Dans quelle mesure pensez-vous que les preuves sont concluantes que les groupes terroristes et criminels organisés se livrent à des activités délictueuses impliquant la destruction et le trafic illicite des biens culturels et en tirent profit ?
  • Pourquoi ces groupes se livrent-ils à la destruction et au trafic illicite des biens culturels ?
  • Quelles mesures, le cas échéant, recommanderiez-vous de prendre pour prévenir davantage de destructions et de trafic illicite des biens culturels ?
  • Quel est le cadre international relatif à l’interdiction du trafic illicite des biens culturels ? La Convention contre la criminalité organisée peut-elle être appliquée – si oui, comment ?
 
Perspective régionale : Afrique orientale et australe
 

Etude de cas 4 (les dirigeants musulmans du groupe Tabliq - Ouganda)

En octobre 2016, le cheikh Mohammad Yunus Kamoga – à l’époque dirigeant d’une faction musulmane de Tabliq – et 13 autres personnes ont été arrêtés et inculpés conjointement de quatre chefs d’accusation (un de terrorisme, deux de meurtre et un de tentative de meurtre). L’arrestation a été effectuée à la suite du décès de plusieurs personnalités musulmanes importantes en Ouganda, dans la plupart des cas abattues par des assaillants inconnus circulant à bord de motos-taxis.

Après un long procès avec la participation de 36 témoins, la chambre des crimes internationaux (International Crimes Division) du tribunal de grande instance (High Court) de Kampala a estimé que le ministère public n’avait pas réussi à prouver au-delà de tout doute raisonnable la participation des accusés dans les meurtres et la tentative de meurtre, acquittant toutes les personnes inculpées de ces chefs d’accusation.

Cependant, le tribunal a conclu que les quatre chefs religieux accusés, ainsi que deux adeptes, avait commis des actes de terrorisme, à savoir des atteintes à la réputation/au caractère, des menaces d’attaques à l’acide et des menaces de mort adressées aux membres d’une faction rivale de la secte Tabliq. Le tribunal a estimé que les actes ont été commis contre des membres de la religion musulmane au cours d’au moins un séminaire à Masaka, lors de réunions au domicile des condamnés et lors de rassemblements dans diverses mosquées à Nakasero, sur William Street à Kampala, et ailleurs, entre décembre 2013 et juin 2015. Que ce soit à des fins politiques, religieuses, économiques ou sociales, les actes ont été commis sans distinction au regard de la sécurité publique.

Le tribunal a estimé que les actes étaient destinés à intimider des membres de la communauté musulmane ainsi que le reste du public et qu’ils l’ont effectivement fait. Par conséquent, il a condamné les quatre chefs religieux à des peines de réclusion criminelle à perpétuité et les deux adeptes à 30 ans de réclusion criminelle.

Dossier connexe

 

Points importants à noter

  • Factionalisme religieux et terrorisme
  • Recrutement de jeunes à des fins terroristes
  • Condamnation en vertu de la loi antiterroriste (Anti-terrorist Act)
 

Questions de discussion

  • Quelles caractéristiques de la criminalité organisée identifiez-vous dans cette affaire ?
  • Analysez comment le modèle d'activités s'inscrit dans les cadres théoriques étudiés dans ce module.
  • Examinez et commentez les considérations du tribunal concernant les preuves de recrutement de jeunes.
 
Section suivante : Structure recommandée pour le cours
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