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Le cadre international en matière de criminalité organisée : la Convention contre la criminalité organisée et ses Protocoles

 

La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (2000) a été établie par la résolution 55/25 de l’Assemblée générale des Nations Unies et est entrée en vigueur en 2003. L’ONUDC fait office de gardien de la Convention et de ses trois Protocoles additionnels.

La Convention contre la criminalité organisée était le premier effort concerté de la communité internationale pour lutter contre la criminalité organisée à l’échelle mondiale (Betti, 2003). La Convention exige des États qu’ils adoptent des mesures qui préviennent et luttent contre la criminalité transnationale organisée et comprend une série de dispositions visant à renforcer la coopération internationale entre les États, telles que celles sur l’entraide judiciaire, l’extradition et la coopération en matière de détection et de répression, entre autres.

La résolution 55/25 du 15 novembre 2000 de l’Assemblée générale, portant adoption de la Convention contre la criminalité organisée, appelle tous les États dans son préambule à reconnaître les liens entre les activités relevant de la criminalité transnationale organisée et les actes de terrorisme. Néanmoins, le texte opérationnel de la Convention ne fait aucune référence à ce lien. Il convient de rappeler que, lors des négociations de la Convention, certaines délégations ont soutenu l’inclusion des actes terroristes dans son champ d’application (ONUDC, 2006). La Turquie, par exemple, était très favorable à cette approche et, avec d’autres États, a soutenu l’idée que le champ d’application de la Convention soit défini par une liste d’infractions, notamment les actes terroristes. L’Égypte a adopté une position similaire concernant l’inclusion du terrorisme et a consigné sa position sur les travaux du Comité spécial sur l’élaboration d’une Convention contre la criminalité transnationale organisée lors de sa dixième session : « Partant du principe que, lors de l’élaboration d’une convention internationale, les préoccupations de certains étaient les préoccupations de tous, l’Égypte avait maintes fois demandé qu’il soit clairement et expressément fait référence, dans la Convention, aux liens croissants entre la criminalité transnationale organisée et les crimes terroristes. […] L’Égypte déplorait profondément qu’un aspect inquiétant de la criminalité transnationale organisée, à savoir le lien entre cette dernière et le terrorisme, ait été délibérément omis dans le texte de la Convention. » (ONUDC, 2006).

Le texte adopté de la Convention ne comprend pas de liste d’infractions puisqu’une telle liste serait rapidement devenue obsolète et ne servirait guère l’objectif d’un accord juridiquement contraignant devant couvrir les besoins présents et futurs de la lutte contre la criminalité transnationale organisée. Par exemple, la cybercriminalité n’était pas une réelle préoccupation au moment de l’adoption de la Convention mais, avec les avancées technologiques, elle s’est répandue dans le monde entier. De même, il est difficile de prédire comment la criminalité organisée évoluera à l’avenir. Pour ces raisons, les négociateurs ont choisi d’inclure une référence aux infractions graves. Les liens entre le terrorisme et la criminalité organisée ont été pris en considération dans les notes interprétatives de l’article 3 de la Convention qui dispose :

Pendant les négociations sur la Convention, le Comité spécial a noté avec une profonde préoccupation les liens croissants entre la criminalité transnationale organisée et les crimes terroristes, compte tenu de la Charte des Nations Unies et des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale. Tous les États participant aux négociations se sont déclarés déterminés à refuser tout refuge à ceux qui se livrent à la criminalité transnationale organisée en les poursuivant pour leurs infractions où qu’elles aient eu lieu et en coopérant au niveau international. Le Comité spécial était également fermement convaincu que la Convention constituerait un outil efficace et le cadre juridique nécessaire de la coopération internationale dans la lutte contre, notamment, des activités criminelles telles que le blanchiment d’argent, la corruption, le trafic illicite d’espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, les atteintes au patrimoine culturel, et contre les liens croissants entre la criminalité transnationale organisée et les crimes terroristes. Enfin, le Comité spécial a été d’avis que le Comité spécial créé par l’Assemblée générale dans sa résolution 51/210 en date du 17 décembre 1996, qui commençait ses délibérations en vue d’élaborer une convention générale sur le terrorisme international, conformément à la résolution 54/110 de l’Assemblée en date du 9 décembre 1996, devrait tenir compte des dispositions de la Convention. (Notes interprétatives, article 3).

Ainsi, conformément aux notes interprétatives, la Convention fournit aux États le cadre juridique pour la coopération pour lutter contre les liens entre la criminalité transnationale organisée et la criminalité terroriste.

 

Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000)

Le Protocole sur la traite des personnes complémente la Convention contre la criminalité organisée et, comme les Protocoles sur les trafics illicites de migrants et d’armes à feu, doit être interprété conjointement avec la Convention. L’objectif du Protocol sur à la traite des personnes est triple :

  • Prévenir et combattre la traite des personnes, en accordant une attention particulière aux femmes et aux enfants ;
  • Protéger et aider les victimes d’une telle traite en respectant pleinement leurs droits fondamentaux ; et
  • Promouvoir la coopération entre les États parties en vue d’atteindre ces objectifs. (article 2)

Le Protocole définit « la traite des personnes » à l’article 3 comme désignant : « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation ». Il poursuit en définissant l’exploitation comme comprenant : « au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ».

Le Protocole énonce également les obligations pour les États parties d’incriminer la traite des personnes par des mesures législatives et autres. Il établit les obligations des États en matière de protection des victimes de traite, notamment celle d’envisager de mettre en œuvre des mesures pour fournir – en coopération avec la société civile s’il y a lieu – une assistance aux victimes, telle qu’une assistance juridique et médicale, des possibilités de formation, ou un logement (article 6). Le Protocole exige des États qu’ils « [tiennent] compte, lorsqu’il[s] applique[nt] les dispositions […] de l’âge, du sexe et des besoins spécifiques des victimes de la traite des personnes, en particulier les besoins spécifiques des enfants, notamment un logement, une éducation et des soins convenables » (article 6(4)). L’inclusion d’une approche fondée sur le genre et les droits de l’homme pour protéger les victimes est significative et entraîne des répercussions sur la mise en relation de la criminalité transnationale organisée avec le cadre juridique international des droits de l’homme. Le Protocole décrit également les responsabilités des États concernant l’octroi aux victimes d’un droit de séjour ou leur rapatriement en toute sécurité (articles 7 et 8) et établit des mesures que les États doivent adopter afin de prévenir la traite des personnes, notamment la coopération entre les États, l’échange d’informations et la formation ainsi que l’adoption de mesures frontalières visant à prévenir et à détecter la traite des personnes (articles 9-11).

Si le préambule du Protocole sur la traite des personnes tient compte du fait que son adoption a été motivée par, entre autres, la nécessité de disposer d’un instrument universel pour répondre à tous les aspects de la traite des personnes, le Protocole ne contient aucune référence à la relation entre la traite des personnes et le terrorisme. La littérature sur les liens entre la traite des personnes et le terrorisme est examinée plus loin dans ce module.

 

Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air (2000)

Le Protocole sur le trafic illicite de migrants est le premier document à fournir une définition convenue de l’expression « trafic illicite de migrants » : « le fait d’assurer, afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l’entrée illégale dans un État Partie d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État ». La référence à « un avantage financier ou un autre avantage matériel » dans cette définition a été insérée afin de souligner que l’intention était d’inclure les activités des groupes criminels organisés ayant un but lucratif, mais d’exclure les activités de ceux qui ont fourni aux migrants un soutien pour des raisons humanitaires ou en raison de liens familiaux étroits (ONUDC, 2006).

Les objectifs de ce Protocole sont de prévenir et de combattre le trafic illicite de migrants, de promouvoir la coopération entre les États parties et de protéger les droits des migrants faisant l’objet de ce trafic. Le Protocole présente des similitudes avec le Protocole sur à la traite des personnes. Il exige des États qu’ils incriminent certains comportements, à savoir le trafic illicite de migrants et le fait de permettre à un migrant de séjourner illégalement à des fins lucratives et en ayant recours à des moyens illégaux ; il exige également que les États incriminent la production, l’obtention ou la possession de documents de voyage et d’identité frauduleux lorsque ces actes sont commis pour faciliter le trafic illicite de migrants (article 6). Le Protocole établit également les obligations des États en matière de prévention du trafic illicite de migrants et de renforcement de la coopération entre les États, dont beaucoup sont axées sur la validation et la légitimité des documents de voyage et d’identité. Le Protocole comprend également des mesures de protection des migrants faisant l’objet d’un trafic, telles que le fait qu’ils n’encourent pas de poursuites pénales pour le fait d’avoir fait l’objet d’un trafic en vertu du Protocole (article 5), la protection de leurs droits (article 16) et leur retour vers leur pays d’origine en tenant dûment compte de leur sécurité et de leur dignité (article 18(5)).

Le Protocole sur le trafic illicite de migrants, additionnel à la Convention contre la criminalité organisée, fait référence aux liens entre la criminalité organisée et le trafic illicite de migrants (articles 1 & 4). Néanmoins, et tout comme la Convention contre la criminalité organisée et le Protocole sur la traite des personnes, le Protocole sur le trafic illicite de migrants n’aborde pas spécifiquement les liens entre le financement du terrorisme et le trafic illicite de migrants.

Dans les affaires de traite des personnes et de trafic illicite de migrants, les liens pourraient s’avérer particulièrement pertinents étant donné que les acteurs et les groupes terroristes peuvent se lancer dans ces activités illicites, non seulement comme un moyen de collecter des fonds, mais également afin de (ré)entrer les États par les voies de trafic illicite de migrants (Europol-INTERPOL, 2016).

 

Le Protocole contre la fabrication et le trafic illicite d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions (2001)

Le Protocole sur les armes à feu est le premier instrument juridiquement contraignant sur les armes légères au niveau mondial. Les objectifs du Protocole sont les suivants : promouvoir, faciliter et renforcer la coopération entre les États parties et prévenir, combattre et éradiquer la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions. Les États parties s’engagent à adopter une série de mesures de contrôle de la criminalité comme l’exige le Protocole et également à mettre en œuvre dans leurs systèmes juridiques nationaux les mesures suivantes : (i) établir des infractions pénales relatives à la fabrication et au trafic illicites d’armes à feu ; (ii) établir un système d’autorisations ou de licences gouvernementales destiné à garantir la légitimité de la fabrication et du trafic d’armes à feu : et (iii) établir une autorisation de marquage et de traçage des armes à feu.

Le Protocole ne mentionne ni n’examine la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu par rapport à l’activité terroriste, car il reprend la même approche générale que celle adoptée par la Convention contre la criminalité organisée et ses deux autres Protocoles.

 
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