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La corruption versus l’extorsion

Tel que mentionné précédemment dans ce module, le Guide législatif pour l’application de la Convention des Nations Unies contre la corruption explique que, conformément à l’article 15, les États parties doivent conférer le caractère d’infraction pénale aux actes de corruption active et passive d’agents publics nationaux :

a) La corruption active est définie comme le fait de promettre, d’offrir ou d’accorder à un agent public un avantage indu afin qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte en rapport avec ses fonctions officielles.

b) La corruption passive est définie comme le fait pour un agent public de solliciter ou d’accepter un avantage indu afin d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte en rapport avec ses fonctions officielles.

En outre, conformément au paragraphe 1 de l’article 16, les États parties doivent conférer le caractère d’infraction pénale au fait de promettre, d’offrir ou d’accorder un avantage indu (corruption active) à un agent public étranger ou à un fonctionnaire d’une organisation internationale, afin :

a) D’obtenir ou de conserver un marché́ ou un autre avantage indu en liaison avec des activités de commerce international ;

b) Que l’agent public ou le fonctionnaire accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte en violation de ses fonctions officielles.

La Convention contre la corruption prévoit toute une série d’autres actes que les États ne sont pas tenus d’ériger en infractions, mais dont ils doivent envisager l’incrimination. Ces actes incluent la corruption passive d’agents publics étrangers et de fonctionnaires d’organisations internationales publiques ainsi que la corruption active et passive dans le secteur privé. L’inclusion de la corruption active et passive dans le secteur privé dans la Convention contre la corruption (article 21) constitue une innovation importante par rapport à la Convention contre la criminalité́ organisée ou à d’autres instruments internationaux. L’article 21 fait ainsi ressortir l’importance d’exiger que l’intégrité́ et l’honnêteté́ règnent dans les activités économiques, financières et commerciales (ONUDC, 2012).

Partant de cette prémisse, il faut noter que la distinction juridique entre la corruption et l’extorsion n’est pas évidente, elle varie d’un pays à l’autre et une personne peut être reconnue coupable des deux dans de nombreux cas. Dans certains pays, jusqu'à l'adoption d'une législation concernant la corruption dans le secteur privé, une des différences entre la corruption et l’extorsion était (ou est pour les pays qui ne disposent d’aucun règlement pénal contre la corruption privée) que la première impliquait un agent public, alors que l’extorsion ne doit pas nécessairement être pratiquée par des agents publics.

Dans certains pays, le débat sur la distinction entre la corruption et l’extorsion s’est concentré sur le deuxième type d’extorsion, à savoir l’extorsion sous couvert de droit officiels. Il existe un certain degré de chevauchement entre les deux concepts et « l’extorsion ‘sous couvert de droits officiels’ équivaut à la réception de pots-de-vin en connaissance de cause » (États-Unis c/ Holzer, 1988). Les deux infractions impliquent l’échange d’argent, de biens ou de services, mais la manière dont l’échange se produit et les parties concernées varient souvent en fonction de la nature de l’infraction.

Dans plusieurs pays, une des principales différences réside dans le fait que, dans le cadre d’une extorsion, le destinataire profère une menace à l’encontre de la partie extorquée, menaçant d’accomplir une quelconque action qui portera préjudice à la partie extorquée à moins que celle-ci ne donne au destinataire ce que celui-ci demande. Dans les affaires de corruption, la partie corrompue fera un geste en faveur du corrupteur. En ce sens, la corruption se rapporte à un avantage corrompu accordé ou reçu dans le but d’influencer une action officielle afin d’octroyer au donateur un traitement plus avantageux qu’un traitement équitable. La personne qui donne et le destinataire sont tous deux coupables de corruption. En revanche, l’extorsion est la quête ou la réception d’un avantage corrompu payé sous une menace implicite ou explicite de donner au payeur un traitement pire qu’un traitement équitable ou d’aggraver sa situation. Le bénéficiaire est coupable d’extorsion ; le payeur est victime d’extorsion.

En d’autres termes, la corruption et l’extorsion présentent d’importantes similitudes et différences, qui sont illustrées dans le schéma 4.1 ci-dessous. Les groupes criminels organisés utilisent communément la corruption pour protéger leurs activités illicites. Par exemple, les membres de groupes criminels organisés peuvent accorder des faveurs illicites ou payer des juges, des jurés, des policiers ou d’autres agents publics pour qu’en échange ils « détournent le regard ». L’extorsion caractérise l’infiltration d’entreprises légitimes lorsque les groupes criminels organisés tentent de forcer des paiements de la part de particuliers ou d’entreprises en ayant recours à des menaces pour leur éviter un traitement pire qu’un traitement équitable.

Schéma 4.1. Caractéristiques de la corruption et de l’extorsion

La ligne de démarcation entre la corruption et l’extorsion est plutôt floue lorsqu’un agent public s’attend à un pot-de-vin pour accomplir une action pour laquelle il perçoit un salaire. Des enquêtes menées dans différents pays ont montré que les entreprises et les citoyennes et citoyens n’ont souvent guère d’autre choix que de payer ce qui leur est demandé (ONUDC, 2013 ; ONUDC, 2017). Cette situation rend difficile l’évaluation du caractère réellement volontaire de l’échange.

Exemples de corruption dans les Balkans occidentaux et au Nigeria

BALKANS OCCIDENTAUX

Environ une entreprise sur dix (10,2%) qui a été en contact avec un agent public au cours des 12 mois qui ont précédé l’enquête a versé un pot-de-vin à un agent public (ONUDC, 2013).

NIGÉRIA

La majorité des pots-de-vin sont réclamés par les agents publics en échange de services publics qu’ils sont tenus de fournir, indiquant ainsi que ces fonctionnaires ne craignent pas d’être sanctionnés. Cela suggère qu’en pareils cas la corruption n’est pas simplement perçue comme une sorte de lubrifiant administratif destiné à huiler le processus bureaucratique, mais plutôt comme un stratagème pour extorquer de l’argent ou d’autres types de pots-de-vin au citoyen ou à la citoyenne qui sollicite le service public (ONUDC, 2017).
Blanchiment d’argent
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