La version anglophone de ce module a été publié en janvier 2019 et la version francophone en janvier 2021.
L'approche de la sécurité humaine élargit la portée de l'analyse de la sécurité et de la politique de sécurité, et passe de la notion traditionnelle de sécurité nationale à la sécurité des personnes et à leurs interactions sociales et économiques complexes (voir aussi le PNUD, 2013). Comme indiqué dans la résolution 66/290 de l’Assemblée générale des Nations Unies, «la sécurité humaine a pour objet d’aider les États Membres à cerner les problèmes communs et généralisés qui compromettent la survie, les moyens de subsistance et la dignité de leurs populations et à y remédier» et « appelle des réponses axées sur l’être humain, globales, adaptées au contexte et centrées sur la prévention, qui renforcent la protection et la capacité d’action individuelle et collective ».
En effet, la sécurité humaine implique, entre autres, la sécurité personnelle des individus, comprise comme une sécurité contre les menaces de criminalité, de violence, de guerre et d’abus (voir ci-dessous).
Résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies A/RES/66/290 sur la suite donnée au paragraphe 143 sur la sécurité humaine du document du Sommet mondial de 20053. (…) une définition commune de la notion de sécurité humaine comprend les éléments suivants: (a) Le droit des êtres humains de vivre libres et dans la dignité, à l’abri de la pauvreté et du désespoir. Toutes les personnes, en particulier les plus vulnérables, ont le droit de vivre à l’abri de la peur et du besoin et doivent avoir la possibilité de jouir de tous leurs droits et de développer pleinement leurs potentialités dans des conditions d’égalité; (b) La sécurité humaine appelle des réponses axées sur l’être humain, globales, adaptées au contexte et centrées sur la prévention, qui renforcent la protection et la capacité d’action individuelle et collective; (c) La sécurité humaine tient compte des liens entre paix, développement et droits de l’homme et accorde la même importance aux droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels; (d) La notion de sécurité humaine se distingue du principe de la responsabilité de protéger et de son application; (e) La sécurité humaine n’est pas assurée par la menace ou l’emploi de la force ou de mesures de coercition. Elle ne saurait remplacer la sécurité que l’État doit garantir; (f) La sécurité humaine est fondée sur l’appropriation nationale. Comme les conditions politiques, économiques, sociales et culturelles nécessaires pour assurer la sécurité humaine varient considérablement dans un même pays, d’un pays à l’autre et selon les époques, la sécurité humaine renforce les initiatives nationales qui sont compatibles avec les réalités locales; (g) Il appartient en premier lieu à l’État d’assurer la survie, les moyens de subsistance et la dignité de ses citoyens. Le rôle de la communauté internationale est complémentaire et consiste à fournir aux gouvernements, à leur demande, l’appui dont ils ont besoin pour renforcer leurs capacités d’action face aux menaces existantes ou émergentes. Pour assurer la sécurité humaine, il faut que les gouvernements, les organisations internationales et régionales et la société civile renforcent leur collaboration et leurs partenariats; (h) La sécurité humaine est assurée dans le strict respect des buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, notamment de la souveraineté de l’État, de l’intégrité territoriale et de la non-ingérence dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale. Elle n’impose pas d’obligations juridiques supplémentaires aux États; (…) |
La Résolution 66/290 de l’Assemblée générale souligne le rôle des “États Membres de cerner les problèmes communs et généralisés qui compromettent la survie, les moyens de subsistance et la dignité de leurs populations.” Auparavant, le Rapport mondial sur le développement humain de 1994 avait précisé que la sécurité humaine comprenait sept aspects essentiels: i) économique, ii) alimentaire, iii) santé, iv) environnemental, v) personnel, vii) communautaire et vii) politique. Toutefois, cette liste n'est ni exhaustive ni définitive.
Plusieurs autres concepts ont été progressivement inclus dans le concept de sécurité humaine, tels que l'exclusion sociale, la modernisation et le changement climatique. Quel que soit le sujet traité, l’un des principes directeurs de l’approche de la sécurité humaine est qu'il est nécessaire de comprendre les menaces auxquelles font face des groupes spécifiques de personnes, ainsi que la participation de ces personnes au processus d’analyse. Des menaces à la sécurité humaine peuvent exister à tous les niveaux de développement. Ils peuvent émerger lentement et silencieusement ou apparaître soudainement et dramatiquement. L'idée centrale est que les personnes ont le droit de vivre dans la liberté et la dignité, sans pauvreté ni désespoir, avec une chance égale de jouir de tous leurs droits et de développer pleinement leur potentiel humain.
La sécurité humaine:
En tenant compte des points précédents, les conférenciers sont encouragés à animer une discussion sur la manière dont le concept de sécurité humaine pourrait être intégré dans le débat général sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite de migrants.
Comme expliqué dans le Module 2, les États sont tenus de respecter et de promouvoir les droits de l'homme (y compris ceux des migrants faisant l'objet d'un trafic illicite), mais cela ne se produit pas toujours dans la pratique. Le trafic illicite de migrants est souvent perçu uniquement comme une menace pour la souveraineté des États. Dans l’évaluation de la sécurité de l’État et de la sécurité humaine, la priorité est souvent donnée au premier. Cependant, la sous-estimation de ce dernier point est un facteur majeur de l'échec des politiques des États pour lutter efficacement contre le trafic illicite de migrants.
Tant que les personnes se sentent menacées, en danger et persécutées, font l’objet d’une violence généralisée et sont victimes de troubles politiques ou sociaux et de crises économiques, il est peu probable qu’elles cessent d’essayer de rechercher la sûreté et la sécurité à l’étranger, notamment en ayant recours aux services de trafiquants de migrants. Ces questions doivent être traitées à la fois dans les pays d'origine et de destination. Étant donné que le manque de voies de migration régulières est l'une des causes principales du trafic illicite de migrants, il est essentiel de développer des alternatives suffisantes et responsables à la migration irrégulière. Ceci est particulièrement important, compte tenu des dangers auxquels les migrants faisant l’objet du trafic illicite sont souvent exposés lors des opérations de trafic illicite de migrants.
Il est à noter que les efforts de développement social et économique visant à s'attaquer aux causes profondes de la migration, à développer des voies pour une migration régulière et sûre et / ou à s'attaquer directement au trafic illicite de migrants sont souvent liés à un engagement et des cadres politiques. Voici quelques exemples de processus et d’engagements politiques internationaux:
Processus de KhartoumLe Processus de Khartoum est une plateforme destinée à la coopération politique entre les pays concernés par la route migratoire qui s'étend de la Corne de l'Afrique à l'Europe. Également appelé l'initiative pour la route migratoire UE-Corne de l'Afrique, le cadre de consultation intercontinentale vise à:
Les pays suivants sont signataires de la déclaration de la conférence ministérielle du processus de Khartoum, également connue sous le nom de Déclaration de Rome: L’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, la République tchèque, le Danemark, Djibouti, l’Égypte, l’Érythrée, l’Estonie, l’Éthiopie, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, le Kenya, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Somalie, le Soudan du Sud, l’Espagne, le Soudan, la Suède, la Tunisie et le Royaume-Uni. Après l’adoption de cette déclaration, la Libye a également été invitée en tant que membre du processus de Khartoum lors de la mise en place d'un gouvernement d'accord national, et la Norvège, la Suisse et l'Ouganda sont également devenus membres du processus. Processus de Khartoum |
Initiative de l'Union Africaine-Corne de l'Afrique contre la traite et le trafic illicite de migrantsL’Initiative de l'Union Africaine et de la Corne de l'Afrique relative à la traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants a été lancée après la Déclaration de Khartoum du 16 octobre 2014. Elle vise à prendre des mesures pour lutter contre la traite, le trafic illicite de migrants et les nombreux facteurs qui rendent les personnes vulnérables à ces délits, ainsi qu’à intégrer la prévention et renforcer les capacités des forces de l’ordre pour faire face aux crimes, et à promouvoir la coopération et la coordination entre tous les intervenants. Djibouti, l'Égypte, l'Érythrée, la Libye, le Soudan, le Soudan du Sud et la Tunisie ont souscrit à cette initiative. Initiative Union Africaine-Corne de l’Afrique
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Processus de RabatLe Processus de Rabat est une plateforme destinée à la coopération politique entre les pays concernés par la route migratoire entre l’Afrique centrale, l’Afrique l’Ouest, l’Afrique du Nord et l’Europe. Il rassemble plus de 60 partenaires qui discutent ouvertement des questions de migration et de développement dans un esprit de partenariat. Depuis 2006, le processus favorise l'élaboration de politiques sur les questions de migration, grâce à une approche qui inclut le lien entre la migration et le développement. La nécessité de relier les pays d'origine, de transit et de destination affectés par les routes migratoires occidentales est née avec la reconnaissance du fait que la réponse face au nombre croissant de migrants souhaitant rejoindre l'Europe en franchissant le détroit de Gibraltar ou en atteignant les îles Canarie, n'était pas exclusivement la responsabilité du Maroc et de l'Espagne. Un point d'équilibre a été recherché entre les pays qui considèrent le développement comme une priorité pour réduire les flux migratoires et ceux qui considèrent la lutte contre la migration irrégulière comme une priorité. Dans ce contexte, la France, le Maroc, le Sénégal et l’Espagne ont pris l’initiative de mettre en place le processus de Rabat en 2006. Processus de Rabat |
Processus de BaliDepuis sa création en 2002, le Processus de Bali sur le trafic illicite de migrants, la traite des personnes et la criminalité transnationale qui y est associée (Processus de Bali) a effectivement sensibilisé la région aux conséquences du trafic illicite de migrants, de la traite des personnes et de la criminalité transnationale associée. C’est un forum de dialogue politique, de partage d’informations et de coopération pratique pour aider la région à relever ces défis. Le processus de Bali, coprésidé par l'Indonésie et l'Australie, compte plus de 48 membres, dont le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), ainsi que de nombreux pays observateurs et des agences internationales. Il comprend également le Groupe ad hoc, qui réunit les pays membres les plus touchés et les organisations internationales compétentes, afin de lutter contre le trafic illicite des migrants, la traite des personnes et les problèmes de migration irrégulière dans la région. Lors de la sixième conférence ministérielle du processus de Bali (mars 2016), les ministres ont confirmé les objectifs et priorités fondamentaux du processus de Bali en entérinant la Déclaration du processus de Bali sur le trafic illicite des migrants, la traite des personnes et la criminalité transnationale qui y est associée. La Déclaration reconnaît l'ampleur et la complexité croissantes des défis de la migration irrégulière à l'intérieur et à l'extérieur de la région Asie-Pacifique et soutient des mesures qui contribueraient à l'élaboration de stratégies globales à long terme visant à lutter contre les délits de trafic et de traite des personnes, ainsi qu'à réduire l'exploitation des migrants en augmentant les voies de migration légales, abordables et sûres. Processus de Bali |
Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrantsLa Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, adoptée en septembre 2016 par l'Assemblée générale, exprime la volonté politique des dirigeants du monde de sauver des vies, de protéger les droits et de partager les responsabilités à l'échelle mondiale. Il comprend des engagements tels que:
Nations Unies, Refugiés et Migrants |
Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulièreLe pacte mondial sur les migrations sera le premier accord, négocié entre gouvernements, élaboré sous les auspices des Nations Unies, à couvrir toutes les dimensions de la migration internationale de manière holistique et globale. Dans la Déclaration de New York sur les réfugiés et les migrants, l’Assemblée générale a décidé d’élaborer un pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière. Le processus d'élaboration de ce pacte mondial pour les migrations a débuté en avril 2017. L'Assemblée générale a tenu une conférence intergouvernementale sur les migrations internationales les 10 et 11 décembre 2018 à Marrakech et a adopté le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, définissant un cadre permettant de mieux gérer les migrations internationales. Le pacte mondial est une occasion importante d’améliorer la gouvernance en matière de migration, de relever les défis liés à la migration d’aujourd’hui et de renforcer la contribution des migrants et de la migration au développement durable. Nations Unies, Réfugiés et Migrants |
L'exemple suivant met l'accent sur la coopération militaire. Toutefois, comme il repose sur des engagements politiques et des accords entre États, il est mentionné ici sous l’égide des «réponses politiques» au trafic illicite de migrants.
EUNAVFOR MED – Opération SophiaL'EUNAVFOR est une opération navale de l'UE mandatée par le Conseil de sécurité des Nations unies pour perturber le modèle d’affaires des passeurs et des trafiquants dans le sud de la Méditerranée centrale (CSNU, résolution 2240 adoptée en 2015). L’opération Sophia de l’EUNAVFOR MED n’est qu’un élément d’une réponse globale plus large de l’UE à la question des migrations, qui vise non seulement à traiter sa composante physique, mais également à ses causes profondes, notamment les conflits, la pauvreté, le changement climatique et la persécution. Le mandat principal de la mission est d’entreprendre des efforts systématiques pour identifier, capturer et disposer des navires et des actifs, utilisés ou soupçonnés d’être utilisés par des passeurs ou des trafiquants de migrants, afin de contribuer aux efforts plus larges déployés par l’UE pour perturber le modèle d’affaires des réseaux de passeur et de trafiquants de migrants dans le sud de la Méditerranée centrale et éviter de nouvelles pertes de vies en mer. Depuis le 7 octobre 2015, comme convenu par les ambassadeurs de l'UE au sein du Comité de sécurité le 28 septembre, l'opération est passée à la phase 2 des eaux internationales, qui comprend l'arraisonnement, la fouille, la saisie et le déroutement en haute mer, des navires soupçonnés d'être utilisés à des fins de trafic illicite de migrants ou de traite des personnes. Le 20 juin 2016, le Conseil a prolongé jusqu'au 27 juillet 2017 le mandat de l'opération Sophia et y a ajouté deux tâches d'appui :
Le 30 août et le 6 septembre 2016, la formation et le renforcement des capacités et la contribution à la mise en œuvre de l'embargo sur les armes imposé par l'ONU ont été autorisés. L’opération EUNAVFOR MED Sophia est conçue autour de 4 phases :
Le Conseil européen est chargé de déterminer si les conditions nécessaires à la transition entre les phases opérationnelles ont été remplies. Sur le plan juridique, toutes les activités entreprises à chaque phase respectent et se conforment au droit international, notamment les droits de l'homme, le droit humanitaire et le droit des réfugiés, ainsi que le principe de «non-refoulement», selon lequel aucune personne secourue ne peut être débarquée dans un pays tiers. EUNAVFOR MED Opération Sophia |