En 2017, à l’issue d’années de délibérations, l’Assemblée mondiale de la santé a adopté les définitions suivantes de produits médicaux falsifiés : les « produits médicaux falsifiés sont ceux dont l’identité, la composition ou la source est représentée de façon trompeuse, que ce soit délibérément ou frauduleusement. [...] Cette représentation trompeuse, qu’elle soit délibérée ou frauduleuse, peut consister en la substitution, l’adultération ou la reproduction d’un produit médical autorisé ou en la fabrication d’un produit médical qui n’est pas autorisé » (Dispositif OMS des États membres concernant les produits médicaux de qualité inférieure/faux/faussement étiquetés/falsifiés/contrefaits, 2017).
Bien que la définition des produits médicaux falsifiés contienne le terme « identité », les droits de propriété intellectuelle sont exclus de la protection et du champ d’application de cette définition. « Identité » dans ce contexte désigne plutôt un nom, l’étiquetage ou l’emballage, ou les documents qui appuient l’authenticité d’un produit médical autorisé.
Les États membres ont également cherché à mettre en évidence les caractéristiques des produits médicaux qui ne sont pas falsifiés, mais qui sont soit de qualité inférieure, soit non enregistrés/non homologués. Les produits médicaux de qualité inférieure sont également appelés produits non conformes aux spécifications. Ces produits médicaux ne répondent pas, soit à leurs normes de qualité, soit à leurs spécifications, ou aux deux. Les produits médicaux non enregistrés ou non homologués sont ceux qui n’ont pas été soumis à l’évaluation et/ou à l’approbation de l’autorité de réglementation nationale ou régionale pour le marché sur lequel ils sont commercialisés, distribués ou utilisés, sous réserve des conditions autorisées par la réglementation et la législation nationales ou régionales.
Le tableau ci-dessous récapitule la classification des produits médicaux falsifiés, de qualité inférieure et non enregistrés/non homologués, utilisée par le Système mondial de surveillance et de suivi de l’OMS et par le Dispositif des États membres:
Selon l’OMS et son système mondial de surveillance et de suivi des produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés, les types de produits qui sont falsifiés comprennent les antipaludéens, les antibiotiques, les produits « de confort », notamment les produits pour utilisation cosmétique, le dysfonctionnement érectile, le culturisme et les régimes, anesthésiques et antalgiques, les médicaments pour le cancer, pour le cœur, pour la santé mentale, pour le diabète et plus encore. À la fois les produits médicaux princeps et les génériques peuvent être falsifiés. Les produits falsifiés ne sont pas limités aux médicaments onéreux ou à des noms de marques très connues.
Il est presque impossible d’évaluer le véritable niveau de produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés dans le monde. Selon une étude de l’OMS, le taux d’échec observé des produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés dans les pays à revenu faible et intermédiaire est d’environ 10,5 %. En d’autres termes, dans les pays à faible et moyen revenu, 1 produit médical sur 10 est soit falsifié, soit de qualité inférieure. La valeur de ce marché est estimée à 30 milliards de dollars américains (OMS, 2018).
Les produits médicaux falsifiés représentent une grave menace pour la santé publique. Ils ne soignent pas les maladies des patients qui, souvent, ne se rendent pas compte de la raison pour laquelle leur état se détériore. La toxicité des produits médicaux falsifiés peut potentiellement causer un dommage plus grave aux patients ou même les tuer. En outre, en raison des produits médicaux falsifiés, la résistance aux médicaments progresse.
Les produits médicaux falsifiés ont aussi un impact socioéconomique dans la mesure où un grand nombre de personnes en achètent car elles n’ont pas accès à des produits médicaux sûrs, par exemple parce qu’elles n’ont pas les moyens d’en acheter. Les patients qui prennent des produits médicaux falsifiés perdent foi en la médecine et, souvent, dans le système de santé en général. Par ailleurs, les produits médicaux falsifiés entraînent une perte économique. Les médicaments qui ne protègent pas ou ne guérissent pas les patients pèsent lourdement sur les budgets des ménages et des systèmes de santé. Les fabricants légitimes de produits pharmaceutiques génériques et princeps souffrent à la fois d’un point de vue financier et du point de vue de leur réputation.
Si l’attention s’est portée sur l’aspect sanitaire et réglementaire de ce problème, elle s’est beaucoup moins intéressée à la question du point de vue de la justice pénale. Comme pour d’autres formes de criminalité, les groupes criminels organisés profitent des lacunes des cadres juridiques nationaux et internationaux, du manque de ressources des responsables de la réglementation, de l’application de la loi et de la justice pénale, ainsi que des difficultés de la coopération internationale. Dans le même temps, comme il reste difficile d’identifier les produits médicaux falsifiés, la perspective d’un risque comparativement faible de détection et de poursuites judiciaires par rapport aux revenus potentiels de ce marché fait de la fabrication et du trafic de produits médicaux falsifiés une activité attractive pour les groupes criminels organisés.
La prévention concernant les produits médicaux falsifiés est un autre domaine d’intervention souvent négligé. La prévention comprendrait la sensibilisation aux risques des produits médicaux falsifiés ainsi que la manière de les éviter et de les repérer. Au cœur du problème se trouve le manque d’accès à des produits médicaux sûrs, abordables et de qualité, qui s’inscrit au cœur même des intérêts de la santé publique. L’adoption d’une définition par l’Assemblée mondiale de la santé est une étape encourageante vers d’autres mesures destinées à prévenir et lutter contre la fabrication et le trafic de produits médicaux falsifiés. Dans ce même esprit, en 2019, l’ONUDC a élaboré un Guide de bonnes pratiques législatives pour aider les États membres à renforcer leurs capacités à désorganiser et démanteler les réseaux criminels organisés impliqués dans les différentes étapes de la filière illicite, en particulier la distribution et le trafic (ONUDC (a), 2019).