Le juge anti-mafia, Giovanni Falcone, a reçu un statut emblématique au cours de sa carrière exceptionnelle qui s’est terminée le 23 mai 1992, lorsqu’il a été tué avec sa femme et ses trois gardes du corps par une bombe cachée sur l’autoroute menant à l’aéroport de Palerme. Il est présumé que le patron du crime, Toto Riina, a ordonné les assassinats pour se venger du succès de Falcone dans la poursuite en justice de centaines de mafieux dans le maxi-procès (« maxiprocesso ») qui a duré de février 1986 à janvier 1992. En outre, Falcone a été l’un des artisans de l'adoption de la première loi italienne de protection des témoins (modifiée par la suite), qui reste à ce jour l'une des armes les plus utiles contre la mafia puisque des centaines d'informateurs (pentiti) ont accepté de témoigner au tribunal contre des chefs mafieux. L'assassinat de Falcone et celui de son collègue magistrat Paolo Borsellino deux mois plus tard, ont conduit à la création de la « Direzione Investigativa Anti-Mafia » (DIA) en Italie.
Un des points forts de la carrière de Falcone a été de convaincre Tommaso Buscetta de venir du Brésil en Sicile pour témoigner au « maxi-procès » de Palerme, et plus tard au « Pizza Connection Trial » aux États-Unis. Le témoignage de Buscetta a conduit à la condamnation de plus de 300 mafiosi et de leurs associés.
Dans son discours du 6 mai 2016, le chef de l'ONUDC, Yuri Fedotov, a également reconnu la grande contribution du juge Falcone à la lutte contre la criminalité organisée, « dont la vie et le travail ont inspiré et informé les moyens que nous utilisons encore pour poursuivre son engagement. (...) Et c'est pourquoi il n'est pas exagéré de parler de l'héritage de Giovanni Falcone lorsque nous parlons de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, connue sous le nom de Convention de Palerme. Il a été l’un des premiers à reconnaître la nécessité d’un traité international contre la criminalité transnationale organisée. En avril 1992, M. Falcone faisait partie de la délégation italienne à la toute première réunion de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, créée par l’Assemblée générale, qui « était alarmée par le coût élevé de la criminalité… en particulier sous ses formes nouvelles et transnationales ». Juste un mois après cette session inaugurale, Giovanni Falcone a été tué par la mafia » [traduction non officielle] (Yuri Fedotov, directeur général de l’ONUV/directeur exécutif de l’ONUDC. Remarques sur la Convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée : l’héritage de Giovanni Falcone. Vienne, 2016).
Le 19 juin 2017, conformément à la résolution 71/209 de l'Assemblée générale des Nations Unies, le président de l'Assemblée générale, en coopération avec l'ONUDC et avec la participation des parties prenantes concernées, a tenu un débat de haut niveau pour célébrer le vingt-cinquième anniversaire de l'assassinat du juge Giovanni Falcone, en mettant l’accent sur l’application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (Convention de Palerme) et des Protocoles s’y rapportant, et en soulignant les nouvelles tendances et défis en matière de prévention du crime et de justice pénale et leur impact sur le développement durable. L’ouverture de la journée a été marquée par les remarques du président de l’Assemblée générale, du Secrétaire général, du président de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, du président de la Conférence des Parties à la Convention et du directeur exécutif de l’ONUDC. Une brève cérémonie a également eu lieu en souvenir du juge Falcone. Maria Falcone, la sœur du juge Falcone et présidente de la Fondation Giovanni e Francesca Falcone, a assisté à la cérémonie.
Perspective régionale : l’Afrique orientale et australe
Étude de cas 2 (interprétation de la législation nationale guidée par la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée – Namibie)Dans l’affaire State v Henock and Others (2019), le tribunal de grande instance (High Court) de Namibie a décrit les circonstances qui ont donné lieu à la naissance de la loi 29 de 2004 sur la prévention de la criminalité organisée (POCA) dans le contexte namibien. Le tribunal a déclaré : [6] L’existence d’organisations criminelles organisées internationales est réelle et leurs activités visent principalement à accumuler des richesses par des moyens illégaux tels que la traite des personnes, les drogues, le braconnage, la fraude, etc. Afin de tirer profit de leurs activités illégales et d’éviter les poursuites judiciaires, les organisations criminelles s’efforcent de dissimuler l’origine illicite de leurs avoirs, qui sont le produit du crime. Ces avoirs peuvent ensuite être utilisés pour financer d’autres opérations criminelles. S’il n’est pas contrôlé, le blanchiment d’argent pourrait faciliter les activités illégales au détriment des pays en développement. En outre, en raison des progrès technologiques et de la mondialisation, les organisations criminelles ont découvert des moyens de transférer des avoirs d’un endroit à l’autre au-delà des frontières. L’infraction de blanchiment d’argent est donc un problème international qui nécessitait une solution internationale. Le tribunal a donné des précisions sur l’interprétation des lois internes découlant d’accords internationaux tels que la Convention contre la criminalité organisée, signée par la Namibie le 23 décembre 2000 et ratifiée le 16 août 2002. Selon le tribunal : [...] les tribunaux, lorsqu’ils interprètent des lois, devraient s’efforcer d’interpréter ces lois conformément au droit international. En outre, […] il existe une présomption selon laquelle le Parlement, en adoptant une loi, a voulu qu’elle soit en accord avec le droit international. À cette fin, les guides législatifs élaborés par la Division des traités de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime aident à interpréter ces dispositions. Lors de l’interprétation des lois nationales, il est impératif de consulter les guides législatifs, en particulier lorsque la loi interne est muette sur un certain aspect. Dans l’arrêt Henock, le tribunal a examiné neuf affaires afin de clarifier la question de la duplication des condamnations dans le cadre de la POCA. Dans chacune de ces affaires, des individus avaient été reconnus coupables et condamnés pour des infractions ayant la nature d’un vol (infraction principale), sauf dans une affaire où l’infraction principale était la réception de biens volés, et pour avoir enfreint soit la section 4 (c.-à-d., la dissimulation de l’origine illégale d’un bien), soit la section 6 de la POCA (c.-à-d., l’acquisition, la possession ou l’utilisation du produit d’activités illégales). Le tribunal a examiné la définition d’« infraction grave » incluse dans la Convention contre la criminalité organisée avant de conclure que la sévérité de la peine infligée par la POCA implique que le législateur namibien avait l’intention d’incriminer l’infraction de blanchiment d’argent également pour des infractions principales graves, par opposition aux infractions de nature moins grave. Toutefois, en l’absence de législation établissant quelles infractions principales sont graves, le tribunal a souligné que les poursuites judiciaires engagées au titre de la POCA relèvent du pouvoir discrétionnaire du procureur général. Ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé judicieusement et devrait être guidé par les dispositions de la POCA et les accords internationaux contraignants. L’arrêt a clarifié davantage l’application des sections 4 et 6 de la POCA. Il dispose que l’auteur de l’infraction principale peut également commettre un blanchiment d’argent lorsqu’elle ou il commet tout autre acte en rapport avec ces biens qui sont le produit d’activités illicites (section 4). D’autre part, la section 6 ne s’applique qu’à une personne autre que l’auteur de l’infraction principale. En outre, étant donné que les éléments de l’infraction créée en vertu de la section 6 sont similaires aux éléments du vol, le tribunal a estimé qu’une condamnation pour vol et violation de la section 6 équivaudrait à une duplication des condamnations. Dossier connexe
Points importants à noter
Questions de discussion
Exercice 1Lisez les scénarios ci-dessous (basés sur les affaires examinées par le tribunal de grande instance (High Court) de Namibie dans State v Henock and Others). Pour cet exercice, répartissez les étudiants en plusieurs groupes et attribuez une affaire et un rôle à chaque groupe : en tenant compte de l’arrêt du tribunal de grande instance (High Court), ils devraient plaider pour ou contre le jugement du point de vue d’un procureur et de l’avocat d’un prévenu dans chaque scénario.
M. Doe a été accusé et condamné pour des infractions d’effraction, de vol et de blanchiment d’argent (section 6, POCA).
Mme Terius a été accusée et condamnée pour vol et blanchiment d’argent (section 6, POCA).
Les trois ont été accusés de vol et de blanchiment d’argent (section 4, POCA). |