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Quelle est l'étendue de la criminalité organisée ?

La véritable ampleur de la criminalité organisée demeure inconnue. Les infractions caractéristiques relevant de la criminalité organisée, telles que l’entente, l’association de malfaiteurs, le racket et l’extorsion, ne sont pas pris en compte de façon systématique. D’autres infractions impliquant la fourniture de biens et services illicites ne sont généralement connues que lorsqu’elles résultent en des arrestations ou des poursuites judiciaires.

La mesure de la criminalité organisée est rendue difficile par quatre facteurs interdépendants : les efforts de dissimulation par les auteurs, le non-signalement par les victimes, le degré d’implication de la criminalité organisée dans un incident particulier et les multiples éléments du phénomène. Pour le cas spécifique des pays d’Afrique francophone, on peut également citer le déficit des moyens techniques, logistiques et matériels des autorités de détection et de répression ainsi que l’absence de mesures d’enquête approfondies dans le cas d’infractions ayant un lien avec la criminalité organisée.

La dissimulation

La criminalité organisée est plus dissimulée que beaucoup d’autres types de criminalité car des efforts spécifiques sont déployés pour empêcher qu’elle ne soit connue. Par exemple, un groupe criminel organisé qui fournit des biens illicites – tels que des drogues produites ou fabriquées illicitement, des produits médicaux falsifiés ou des produits contrefaits – ou des services illicites – tels que le trafic illicite de migrants – prend également des mesures pour protéger ces activités criminelles en cours à travers la corruption, le blanchiment d’argent et l’entrave au bon fonctionnement de la justice. Par conséquent, ceux qui sont impliqués dans la criminalité organisée ne commettent pas seulement des infractions, ils s’efforcent en permanence de les dissimuler pour éviter qu’elles ne soient découvertes.

Le signalement des victimes

La nature de la criminalité organisée réduit la probabilité que les victimes signalent ces infractions aux autorités. Dans certains cas, les clients des produits et services offerts par les groupes criminels organisés sont des participants volontaires de sorte que le signalement des infractions les incriminerait. Une infraction dans laquelle toutes les parties impliquées consentent à un acte illégal présente un modèle distinct de comportement déviant et rend particulièrement difficile l’identification des victimes. Considérons par exemple les consommateurs et les bénéficiaires de biens et services illicites dans les cas de trafic de drogue, de produits de contrefaçon ou de trafic illicite de migrants. Dans tous ces exemples, toutes les parties impliquées dans la transaction illicite (c'est-à-dire ceux qui vendent et ceux qui achètent) sont des participants volontaires. En conséquence, il y aura probablement moins d’infractions commises par des groupes criminels organisés signalées aux autorités que d’autres infractions, telles que le vol qualifié et le vol, où la victime et le délinquant sont plus clairement différenciés. En outre, les infractions impliquant l’infiltration d’entreprises et des pouvoirs publics impliquent la corruption ou l’extorsion, de sorte que les victimes peuvent comprendre la communauté dans son ensemble qui ne sait pas qu’elle est victimisée, ou encore des individus qui sont complices, corrompus ou sous la contrainte, par exemple par le biais de l’extorsion. Dans toutes ces situations, il est peu probable que l’infraction soit signalée aux autorités. Le nombre d’infractions non signalées est connu sous le nom de « chiffre noir de la criminalité », ce qui met en doute l’efficacité et l’efficience des données officielles sur la criminalité.

Difficile à isoler

La criminalité organisée est un concept difficile à mesurer avec précision ou à isoler de la criminalité non organisée. Les organisations criminelles peuvent être considérées comme des entreprises plus ou moins spécialisées, combinant chacune à leur manière activités licites et illicites. La plupart des gouvernements peuvent simplement enregistrer les incidents criminels connus. Il est très difficile de savoir quelle proportion d’arrestations pour des infractions liées aux drogues, armes à feu illégales ou vol de biens est connectée aux activités relevant de la criminalité organisée, et laquelle relève simplement d’actes d’individus n’ayant aucun lien avec la criminalité organisée. Quelques pays s’efforcent de mesurer la criminalité organisée en comptant les groupes criminels organisés ou en examinant si certains incidents sont liés à la criminalité organisée. Le problème réside dans ces déterminations, qui reposent souvent sur des faits incomplets et sur des évaluations arbitraires de la situation ou des suspects, qui peuvent ne pas être connues avant le jugement si tant est qu’elles le soient réellement.

Des éléments multiples

La criminalité organisée est un phénomène complexe qui consiste en de multiples éléments qui se chevauchent et qui sont souvent mesurés séparément. La criminalité organisée englobe au moins cinq composantes (Williams, 2001) qui sont :

  • Les délinquants : les véritables auteurs de l’infraction et leurs complices.
  • Les produits : soit illicites, tels que les produits médicaux falsifiés, soit licites mais volés et/ou passés en contrebande.
  • Les personnes : les personnes qui font l’objet de traite à l’intérieur des pays et au-delà des frontières pour répondre à la demande dans le commerce mondial du sexe et à la demande de main-d’œuvre, ainsi que les migrants irréguliers qui entrent dans les pays en violation des restrictions à l’immigration.
  • Le produit du crime : les bénéfices tirés d’activités illicites.
  • La cyber-dimension : diverses formes de cybercriminalité telles que l’exploitation sexuelle des enfants en ligne, les codes ou virus malveillants, ou les vols de banque à travers des moyens électroniques.

La méthodologie de mesure de la criminalité organisée peut donc changer en fonction de l’élément spécifique de la criminalité organisée qui est au centre de l’enquête.

Il n’y a que trois perspectives pour compter les infractions de toutes sortes : le délinquant, la victime et les autorités gouvernementales (généralement la police ou les tribunaux). Dans le cas de la criminalité organisée, on peut constater qu’il est difficile d’essayer de la mesurer sous l’une de ces trois perspectives car il est peu probable que les délinquants et les victimes révèlent l’incident, et il est peu probable que la police en soit informée.

La difficulté de mesurer directement la criminalité organisée a conduit au développement d’initiatives pour s’appuyer sur des indicateurs indirects de la criminalité organisée, tels que la mesure de la présence de groupes organisés sur la base des enquêtes policières, des homicides non résolus, des données sur les victimes et sur la perception du public ainsi que la couverture médiatique de la criminalité organisée (en ce qui concerne la corrélation entre les homicides et la criminalité organisée veuillez consulter la dernière « Étude mondiale sur l'homicide » de l’ONUDC, 2019). Ces efforts ont été sporadiques en raison du manque de données valides et fiables sur lesquelles il est possible de fonder une mesure substantielle de la criminalité organisée. Par conséquent, il n’y a pas eu de progrès constants dans l’amélioration de la mesure de la criminalité organisée (Barberet, 2014, Castle, 2008 ; Dugato, De Simoni et Savona, 2014 ; Sergi, 2016).

Classification internationale des infractions à des fins statistiques

Dans le but d’améliorer la qualité des données sur la criminalité et la justice pénale au niveau national et de soutenir les efforts nationaux visant à surveiller les buts liés aux objectifs de développement durable (ODD), l’ONUDC a élaboré la Classification internationale des infractions à des fins statistiques (ONUDC, 2015). Celle-ci est une classification des infractions pénales fondée sur des concepts, des définitions et des principes convenus au niveau international, afin d’améliorer la cohérence et la comparabilité internationale des statistiques sur la criminalité et d’améliorer les capacités d’analyse aux niveaux national et international. Elle s’applique également à toutes les formes de données sur la criminalité, quel que soit le stade de la procédure de justice pénale (police, poursuites judiciaires, condamnation, emprisonnement) au niveau duquel elles sont recueillies ainsi qu’aux données recueillies dans les sondages sur la victimisation.

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