Si l’entente est le principal outil juridique pour lutter contre les entreprises criminelles dans les pays de common law, la majeure partie des pays de droit romain préfèrent le concept juridique de la répression de la participation aux activités d’une association (organisation ou groupe) criminelle. Cette infraction est qualifiée d’association de malfaiteurs. Ces dispositions pénales sont fondées sur les articles 265-268 du Code de procédure pénale de la France de 1810 (Calderoni, 2010). La participation d’un prévenu ou d’un accusé à une organisation criminelle constitue l’infraction, plutôt que l’accord entre membres de l’organisation ou la planification d’une infraction avec d’autres, ce qui représente le point central de l’entente.
Clarification de la terminologie : prévenu et accusé
Il ne faut pas confondre la notion d’accusé avec celle de prévenu. Dans de nombreux pays francophones, le prévenu est une personne qui fait l’objet de poursuites devant le tribunal correctionnel pour répondre d’un délit ou d’un crime correctionnalisé. Un accusé, en revanche, est une personne renvoyée par les autorités judiciaires, telle que la chambre des mises en accusation de la cour d’appel, devant une cour d’assises pour répondre d’un crime (Justice en Ligne, 2009).
Pour ce qui est à la fois de l’entente et de l’association de malfaiteurs, la participation au groupe ou la planification de l’infraction constitue une infraction distincte de toutes les infractions perpétrées ultérieurement.
Intention de participer aux activités du groupe criminel et connaissance du but visé
Comme dans le cas de l’entente, il existe des différences entre les nations pour ce qui est de la portée de leurs lois réprimant l’association de malfaiteurs, même si dans chaque cas la participation à un groupe criminel est l’élément central plutôt qu’un accord spécifique en vue de la commission d’une infraction. Les éléments constitutifs de l’infraction d’association de malfaiteurs exigent que l’accusé ou le prévenu ait l’intention de faire partie du groupe criminel ou de prendre part à ses activités en étant conscient, à minima, des buts généraux du groupe.
Lorsque la participation se rapporte à d’autres activités non-criminelles du groupe criminel organisé, il faut que l’accusé ou le prévenu ait eu connaissance du fait que cette participation allait contribuer à la réalisation du dessein criminel. Il peut s’agir de personnes qui commettent une infraction criminelle dans la poursuite de la réalisation des buts du groupe criminel organisé ou au nom de ce dernier, mais également d’individus qui gèrent des opérations légitimes de première ligne pour soutenir un groupe criminel organisé ou qui lui fournissent des services, notamment en tenant sa comptabilité, tout en ayant conscience que cette conduite contribue à la réalisation des objectifs criminels du groupe. Par conséquent, l’association avec un groupe ayant un objectif criminel génère une responsabilité pénale. Le tableau 2.2 résume les éléments importants de l’association de malfaiteurs, même s’il existe certaines différences entre les lois de chaque pays.
Convention contre la criminalité organisée | Éléments physiques (actus reus) |
Éléments psychologiques ( mens rea) |
Article 5, paragr. 1(a) (ii) a | Par un acte ou une omission, prendre une part active à des activités criminelles du groupe criminel organisé | L’acte ou l’omission est intentionnel et entrepris en toute conscience de la nature criminelle du groupe ou de ses activités ou objectifs criminels |
Article 5, paragr. 1(a) (ii) b | TPar un acte ou une omission, prendre une part active à d’autres activités (non-criminelles) du groupe criminel organisé | L’acte ou l’omission est intentionnel et entrepris en connaissance du fait que la participation contribuera à la réalisation du but criminel |
Dans les pays de droit romain, les infractions liées à la participation à une association de malfaiteurs jouent un rôle similaire à celui que jouent les infractions d’entente dans les pays de common law. Au cours de ces dernières années, quelques pays appartenant aux deux traditions juridiques ont adopté des lois réprimant aussi bien l’entente que l’association de malfaiteurs en tant que méthode pour lutter contre les groupes criminels organisés, comme analysé ci-dessous de manière plus détaillée. Bon nombre de pays ont restreint leur utilisation à certaines formes d’infractions graves (Calderoni, 2012 ; Hauck et Peterke, 2016 ; Sergi, 2014).