EXTRAIT DES FAITS A DIFFUSER PARMI LES ETUDIANTS
Trois accusés ont été poursuivis en tant que membres d'un groupe criminel organisé, qui ont aidé des ressortissants tunisiens à entrer, transiter et séjourner illicitement en Europe. Plus précisément, le groupe criminel organisé avait mis au point et développé une pratique consolidée des faux mariages, par le biais desquels les ressortissants tunisiens épouseraient des citoyens de l’UE pour obtenir un permis de séjour européen en Espagne; c'est-à-dire une documentation administrative leur permettant de résider dans n'importe quel pays de l'UE, y compris en France. Les personnes impliquées dans ce stratagème avaient des liens familiaux ou étaient originaires de la même région tunisienne que les accusés. En effet, 52 personnes, dont une majorité était des femmes en séjour irrégulier en France, qui étaient allées en Espagne se soumettre à un faux mariage (afin d'obtenir un titre de séjour espagnol valide (par le biais d'un mariage blanc avec un citoyen espagnol), ont été entendues dans ce contexte. Le groupe criminel organisé a en outre obtenu des documents frauduleux nécessaires pour le suivi des procédures de demande en Espagne. Le groupe criminel organisé comprenait plusieurs membres avec des rôles spécifiques. Par exemple, (i) des passeurs, (ii) des intermédiaires, chargés d’accueillir les migrants irréguliers tunisiens en France et de les installer à Toulouse (France), de les accompagner en Espagne, de leur procurer des «épouses», etc... Les accusés ont été identifiés comme des intermédiaires du groupe criminel organisé basé et opérant principalement en France. N.A. a été identifié par toutes les personnes concernées comme étant la personne qui a accueilli les migrants en situation irrégulière en Espagne et les a accompagnés dans toutes les démarches administratives engagées devant les autorités espagnoles. C'est également lui qui s'est procuré les documents frauduleux nécessaires pour engager les procédures administratives pertinentes. Il a facturé 6 000 euros par cas. Un bénéfice total d'environ 330 000 euros a été établi pour la période 2007-2011. Le groupe criminel organisé a réussi à recruter des individus, notamment autour de Toulouse, en tirant parti de leur état de vulnérabilité particulier. Les enquêtes ont révélé l'identité d'autres protagonistes dans les activités du groupe criminel organisé; toutefois, il n’a pas été possible de déterminer s’ils avaient bénéficié d’avantages financiers ou matériels pour leurs contributions respectives. Le plan présentait les principales caractéristiques suivantes: i) l’«épouse» française s’inscrivait à l'Office des étrangers en Espagne, (ii) le «mari» s'adressait dans un deuxième temps aux autorités espagnoles et, sur la base d'un faux certificat de mariage, demandait la délivrance d'un document administratif lui permettant résider régulièrement en Espagne. Ainsi, le «mari» aurait divers droits au sein de l'espace de l'UE. Trente-cinq (35) Français ont «prêté» leur nom pour faciliter les opérations du groupe criminel organisé de cette manière.
INFORMATIONS ADDITIONNELLES
Des enquêtes ont été ouvertes à la suite du partage d'informations par un officier de liaison affecté en France à l’OCRIEST (Office pour la répression de la migration irrégulière), le 4 février 2010. Des fonctionnaires de l'Office des migrants de Gérone (Espagne) avaient intercepté dix demandes de permis de séjour européen», accompagnés d'actes de mariage apparemment délivrés par la municipalité de Lamastre, en Ardèche (France). Les demandes avaient été soumises en Espagne en mars 2009. À la suite de ces informations, l’OCRIEST s’est mis en contact avec la municipalité de Lamastre. Ce dernier a indiqué qu'aucun mariage de ce type n'avait été enregistré dans la municipalité, confirmant ainsi la falsification des actes de mariage. Les autorités espagnoles ont informé les autorités françaises de l’existence de huit autres demandes suspectes (présentées au cours de la période 2009-2010) qui concernaient des hommes tunisiens qui avaient «épousé» des femmes françaises.
Pour établir les faits, les autorités ont notamment utilisé des preuves testimoniales, des perquisitions et des saisies, une surveillance électronique (notamment les téléphones portables des accusés). Des perquisitions dans les propriétés louées par les dirigeants du groupe criminel organisé en Espagne ont permis de saisir plusieurs faux documents, des cachets officiels des autorités civiles et administratives espagnoles et françaises, ainsi que des documents d'identité. De plus, les autorités ont eu recours à l’entraide judiciaire et à l’assistance d'INTERPOL. Une coopération policière internationale (comprenant des opérations de police conjointes visant à fouiller la résidence des dirigeants du groupe criminel organisé résidant à Barcelone, en Espagne) a eu lieu. Des commissions rogatoires ont été soumises pour la surveillance des télécommunications entre/des accusés. Les autorités espagnoles ont ouvert des enquêtes parallèles sur les membres du groupe criminel organisé (notamment les dirigeants) résidant dans le pays. Des procédures judiciaires ont également été engagées, qui ont abouti à la poursuite des membres du groupe criminel organisé sous sa juridiction.
Le tribunal correctionnel de Bordeaux a condamné les prévenus. Ce faisant, il a souligné:
- En assumant le rôle d’intermédiaire dans l’entreprise criminelle (faux mariages visant à obtenir des permis de séjour espagnols ouvrant un droit de résidence pour les étrangers dans l’espace de l’Union européenne), les prévenus ont commis un délit de trafic illicite de migrants en facilitant les conditions d’entrée, de transit et de séjour illégaux d’étrangers en France ou dans un État de l'espace Schengen.
- Accueillir des étrangers en France, fournir ou organiser l'hébergement de ces personnes, les transporter en Espagne, les accompagner dans leurs ‘démarches’ en Espagne, recruter des «épouses» consentantes, constituent des actes essentiels au succès de l'entreprise délictueuse.
- Le crime a été commis dans le cadre d'un groupe criminel organisé. L'existence d'un groupe criminel organisé dédié au trafic de migrants est étayée notamment par la mise en place d'un réseau solide d'associés, dotés de tâches spécifiques et complémentaires, allant des passeurs et des intermédiaires jusqu’aux principaux organisateurs.
- L’objectif consistant à obtenir un avantage financier ou un autre avantage matériel excluait l’application de l’exemption pour motif humanitaire.
- NOTE: Cette affaire révèle les avantages d’une coopération policière et judiciaire internationale efficace. C’est l’approche proactive initiale des forces de l’ordre espagnoles qui a alerté les autorités françaises et conduit à l’ouverture d’enquêtes. La coopération judiciaire entre les autorités des deux pays a permis de rassembler des preuves importantes et de faire progresser les procédures pénales. En procédant à des enquêtes parallèles, l'Espagne a veillé à ce que les membres du groupe criminel organisé relevant de sa juridiction n'échappent pas à un examen juridique.
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