Ce module est une ressource pour les enseignants

 

Études de cas

Étude de cas 1 (affaire Mahamat Moustapha alias Bana Fanaye et autres)

Les 15 juin, 29 juin et 11 juillet 2015, plusieurs attentats terroristes se sont produits à N’Djamena respectivement devant le commissariat central de police, à l’école nationale de police, dans un domicile privé et au marché central. Ces attaques, qui visaient des institutions publiques, ont causé la mort de 67 personnes (dont 10 kamikazes) et blessé 182 autres.

L’enquête subséquente menée par les unités d’enquête tchadiennes assistées par le FBI ont permis d’établir l’implication d’une cellule de l’organisation terroriste Boko Haram ; laquelle a d’ailleurs reconnu avoir planifié ces attentats. Ce groupe affirmait vouloir faire payer au Tchad son intervention aux côtés du Cameroun et du Nigeria pour le combattre. Par la suite, plusieurs responsables de l’organisation Boko Haram ainsi que leurs complices ont été interpellés. Il s’agissait, entre autres, de Mahamat Moustapha alias BANA Fanaye, d’Abakar Ibrahim Oumar, alias CHEIK, et d’Adam Ali Mbami.

Des perquisitions effectuées aux domiciles des suspects ont permis la saisie de faux documents administratifs et d’importants matériels dangereux ainsi que la découverte de caches d’armes et de produits psychotropes. Les auditions conduites par le magistrat instructeur ont permis de reconstituer l’organisation de la cellule terroriste, la répartition des tâches dans la préparation et l’exécution des attentats ainsi que le circuit de financement. De même, un véritable trafic illicite d’armes et de substances psychotropes a été dévoilé.

Dossier connexe

 

Point important à noter

  • Intersection entre les activités relevant de la criminalité organisée et le terrorisme
 

Questions de discussion

  • Sur la base des données dont vous disposez, quelles sont, à votre avis, les différentes incriminations relatives à la criminalité transnationale organisée ? Pourquoi ?
  • Quelles sont les différences et les points communs entre l’organisation Boko Haram et un groupe criminel organisé mis en évidence par cette affaire ?
  • En quoi la coopération judiciaire internationale peut-elle être utile dans la résolution de cette affaire ?
  • Que recommanderiez-vous pour une enquête exhaustive et aboutie ?

Étude de cas 2 (affaire États-Unis d’Amérique contre Viktor Bout)

Viktor Bout, un trafiquant d’armes originaire de Russie, fut arrêté en 2008 en Thaïlande par la police royale thaïlandaise. En 2010, Bout fut extradé aux États-Unis en vue d’être jugé pour terrorisme. Il était accusé de tentative de contrebande d’armes destinées aux Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) aux fins d’usage contre les forces américaines. Bien que les procureurs eussent requis la prison à perpétuité au motif que le trafic illicite d’armes auquel se livrait Bout a attisé des conflits dans le monde entier, ce dernier fut condamné à 25 ans de réclusion criminelle par un tribunal fédéral de Manhattan pour les chefs d’inculpation suivants : a) entente en vue de tuer des citoyens américains (en violation du Titre 18 du Code des lois des États-Unis (U.S.C.), § 2332(b)), des fonctionnaires et employés (en violation du Titre 18 du U.S.C., §§ 1114 et 1117) en consentant à vendre des armes à des informateurs des services antidrogue qu’il croyait membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie, une organisation terroriste dénommée FARC ; b) entente pour acquérir et exporter des missiles surface-air anti-aériens (en violation du Titre 18 du U.S.C. § 2332g) ; et c) entente visant à fournir un soutien matériel ou des ressources à une organisation terroriste désignée (en violation du Titre 18 du U.S.C., § 2339B).

Selon des sources diverses, Bout a contribué à attiser des conflits internationaux en fournissant des armes. Il dirigeait des sociétés aériennes de transport opérant essentiellement en Afrique et au Moyen-Orient au milieu des années 1990 et au début des années 2000. Il opérait, par exemple, dans plusieurs pays frappés de sanctions par l’ONU tels que le Libéria, l’Angola, l’Afghanistan, l’Iraq et le Soudan. Sa société, Air Cess, ainsi que sa société sœur, Air Pass, participèrent notoirement à la contrebande de produits d’Afrique du Sud vers le fief de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA) alors qu’il se trouvait aux Émirats arabes unis.En partie à cause de leur étroite association avec l’ex-président du Libéria, Charles Taylor, Bout et son associé, Chichakli, ont fait l’objet de sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU qui restreignirent leurs déplacements et leurs opérations commerciales dans le monde. Selon le Comité des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU concernant le Libéria, Bout « soutenait le régime de l’ex-président Taylor dans ses efforts visant à déstabiliser le Sierra Leone et à obtenir un accès illicite aux diamants ». Le Comité des sanctions souligna également que Chichakli, « un associé » de Bout, a « joué un rôle notable en aidant [Bout] à créer et gérer certaines de ses principales sociétés et à effectuer des transferts d’argent ». À la suite de ces résolutions et au régime de sanctions du Conseil de sécurité, tous les États membres des Nations Unies reçurent pour instruction de geler tous les fonds, actifs financiers et ressources économiques détenues ou contrôlées par Bout et Chichakli.

Bout fut condamné le 5 avril 2012 à 25 ans de réclusion criminelle et transféré au pénitencier de Marion en Illinois aux États-Unis, en juin 2012.

Dossiers connexes

 

Point important à noter

  • Intersection entre le commerce illicite et le terrorisme
 

Questions de discussion

  • Qui étaient les principaux clients de Bout et quelles étaient ses transactions les plus importantes ?
  • Quelles infractions Bout a-t-il commises précisément et quelles étaient les charges retenues contre lui ? Pourquoi et comment Bout a-t-il fourni un soutien matériel à des organisations terroristes ?
  • Combien de lois nationales et internationales sont-elles applicables en l’espèce ?
  • Quelles furent les difficultés rencontrées pendant l’instruction et les poursuites judiciaires dans l’affaire Viktor Bout ?

Étude de cas 3 (affaire n° CRIET/2018/RP/00080 du Bénin)

Cette affaire est relative au délit d'escroquerie en bande organisée et faux documents. Début 2018, Femi Godonou lbikounle (de sa vraie identité Lonmandon Achille), Armand Dossou et Omonlatcho Godonou (de sa vraie identité Gbemenou Oladé Olga Paule), ont, sur une période de trois mois, escroqué à leurs victimes, par transferts via Western Union et Money Gramm, plus de quatre-vingt-onze millions (91.000.000) de francs CFA.

Alertée, la police a pu appréhender Armand Dossou et Gbemenou Oladé Olga Paule, épouse de Lonmandon Achille, lequel a pris la fuite. Présentés au juge, les prévenus appréhendés ont nié les faits qui leur étaient reprochés et ont plaidé non coupables. Pour sa défense, Gbemenou Oladé Olga Paule a avancé qu’elle n’avait pas joui de l’argent escroqué et que son mari devait être le seul responsable.

En se basant sur les éléments de preuves et indices concordants qui accablaient les prévenus, notamment les communications par voies électroniques avec les victimes, le juge les a condamnés à la même peine, soit 15 ans de réclusion criminelle, ainsi qu’à une amende et au paiement de dommages et intérêts au profit des victimes.

Dossier connexe

 

Point important à noter

  • Caractéristiques des groupes criminels organisés et répartition des rôles
  • Le rôle des femmes dans la criminalité organisée
 

Questions de discussion

  • Malgré la voie de la dénégation totale préférée par les prévenus, la cour a déclaré qu'ils sont au cœur de la bande organisée et que leur participation aux faits reprochés ne souffre d'aucun doute. La notion de « bande organisée » est-elle prévue par la législation de votre pays ? Si oui, comment est-elle définie ? Sur ce sujet, veuillez consulter aussi le Module 2.
  • La jouissance du produit du crime est-elle indispensable à l’établissement de la culpabilité des prévenus pour participation à une bande organisée ?
  • Après lecture des faits tels que exposés dans la décision du tribunal, comment pouvez-vous qualifier le rôle joué par Madame Gbemenou Oladé Olga Paule au sein du groupe criminel ?

Étude de cas 4 (criminalité en col blanc)

Jonathan Lebed commença à s’intéresser au marché boursier dès le lycée, à l’occasion d’un concours de sélection d’actions auquel il participa avec deux de ses camarades. Il monta par la suite un système depuis sa chambre d’étudiant pour se faire de l’argent. Se servant des comptes de courtage établis par son père, il acheta par voie électronique des actions bon marché qu’il négocia en bourse puis inonda les panneaux d’affichage électroniques sur Internet de fausses annonces qui faisaient croire que ces actions allaient bientôt prendre de la valeur. Des messages tels que « Actions rentables à 1000 pour cent » assortis de fausses déclarations, à savoir notamment qu’il était un directeur de société, laissaient penser qu’il avait une connaissance approfondie de ces actions bon marché et des sociétés qui les ont émis. Pour masquer son identité ou l’origine de ces messages, il utilisait de nombreux noms fictifs en publiant les messages trompeurs sur les actions peu coûteuses qu’il avait achetées.

Dès que les cours des actions montaient en réponse à ses messages, Lebed vendait ses actions pour en tirer rapidement profit. Selon les enquêteurs, il gagnait de 11 000 à plus de 70 000 dollars américains par opération. Il fut finalement mis en examen pour utilisation frauduleuse d’Internet pour manipuler des actions et de gains illicites de 273 000 dollars américains. L’affaire fut close lorsqu’il consentit à payer 285 000 dollars américains au Gouvernement.

Dossiers connexes

 

Point important à noter

  • Manipulation à grande échelle du marché boursier
 

Questions de discussion

  • Qualifieriez-vous ce stratagème de criminalité en col blanc ou d’infraction relevant de la criminalité organisée ? Pourquoi ?
  • Comment différencier ces deux formes d’infraction à la lumière de la Convention contre la criminalité organisée ?

Étude de cas 5 (affaire États-Unis d’Amérique contre Juan Almeida)

En janvier 1997, Juan Almeida (cubain), Leonid “Tarzan” Fainberg (ukrainien) et Nelson “Tony” Yester (cubain) furent arrêtés en Floride aux États-Unis, et accusés d’entente en vue de distribuer de la cocaïne.Yester était en fuite au moment du procès. Cette entente comportait trois opérations entreprises entre 1986 et 1995. La première eut lieu à la fin des années 1980 quand Almeida et son acolyte en fuite, Nelson “Tony” Yester, coordonnèrent le transport de plusieurs cargaisons de cocaïne de Miami à New York. La deuxième opération, qui leur valut probablement une certaine notoriété, consistait en une tentative d’acquisition d’un sous-marin de l’ex-Union soviétique datant de la Seconde Guerre mondiale. Le sous-marin était destiné aux alliés de Pablo Escobar qui voulaient passer en contrebande de la cocaïne d’Amérique du Sud à San Francisco, sur la côte ouest des États-Unis.La troisième opération consistait à dissimuler de la cocaïne dans des cargaisons de crevettes à destination de Russie. Le témoin “vedette” du Gouvernement pour les opérations du sous-marin et des crevettes était Leonid “Tarzan” Fainberg.

Leonid “Tarzan” Fainberg, gangster ukrainien né à Odessa, quitta l’Union soviétique pour l’Israël au début des années 1980, puis se rendit aux États-Unis à la suite de la chute de l’Union soviétique. De 1992 à 1997, les activités criminelles de Fainberg comprenaient le racket, le blanchiment d’argent, le faux-monnayage, le trafic illicite de filles de Russie et leur exploitation pour les forcer à travailler comme strip-teaseuses et prostituées, l’importation et la distribution de stupéfiants tels que de la cocaïne et de l’héroïne, d’Amérique du Sud aux États-Unis, en Russie et ailleurs.

Cette affaire apporte un éclairage sur la manière dont les groupes criminels organisés peuvent forger des relations mutuellement avantageuses. Elle met aussi en évidence le rôle des intermédiaires dans la facilitation de partenariats entre divers groupes criminels organisés. Elle illustre enfin la mouvance criminelle transfrontalière et la complexité des ententes délictueuses.

Dossiers connexes

Étude de cas 6 (AQMI)

Mokhtar Belmokhtar fut vivement critiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), lorsqu’il faisait partie de ce groupe, pour son implication dans des activités plus lucratives au détriment du programme religieux et politique du groupe. Cela lui valut son exclusion du groupe. Il créa alors sa propre organisation terroriste, Katibat El-Moulathamoune (les Signataires par le sang) et poursuivit son trafic illicite, de cigarettes plus précisément.

En 2003, l’ONU qualifia Belmokhtar de membre d’AQMI et le Département du trésor des États-Unis d’Amérique le ficha comme financier d’une organisation terroriste. Belmokhtar aurait, en effet, mené l’attaque contre l’usine de gaz internationale de Tiguentourine à Aménas en Algérie, qui fit au moins 38 morts. En 2003, il dirigea aussi l’enlèvement de 32 touristes européens pour lesquels il réussit à obtenir une rançon. Pour financer ces activités terroristes et, dans l’ensemble, perpétuer ses organisations terroristes, Belmokhtar transportait, par l’ancienne route du sel des tribus touaregs, des marchandises depuis la côte ouest de l’Afrique jusqu’au sud de l’Algérie en passant par Tombouctou au Mali et par le Niger. Il noua des liens étroits avec les tribus touaregs par des mariages avec les filles de quatre de leurs plus illustres familles et tira d’énormes profits en faveur d’AQMI (lorsqu’il en était membre) grâce à la contrebande de cigarettes, d’armes, de stupéfiants et au trafic illicite de migrants. L’ampleur de son engagement dans le trafic illicite de cigarettes lui valut, dans tout le Sahara, le surnom de « M. Marlboro ».

En juin 2004, un tribunal d’Illizi en Algérie condamna par contumace Belmokhtar à la réclusion criminelle à perpétuité pour constitution de groupes terroristes, vol, détention et usage d’armes illégales. En mars 2007, Belmokhtar fut condamné par contumace par un tribunal pénal d’Algérie à 20 ans de réclusion criminelle pour constitution de groupes terroristes, enlèvement d’étrangers et importation et trafic d’armes illégales. En mars 2008, le tribunal de Ghardaïa en Algérie condamna, toujours par contumace, Belmokhtar à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de 13 agents de douane. Mokhtar Belmokhtar est actif dans le nord du Mali et, entre autres infractions, fut impliqué en décembre 2008 dans l’enlèvement de deux diplomates canadiens travaillant pour les Nations Unies. Selon certaines sources, Belmokhtar aurait été tué en 2015 dans les environs d’Ajdabiya, dans l’est de la Libye, par une unité militaire américaine chargée de traquer Al-Qaïda.

Dossiers connexes

 

Point important à noter

  • Financement du terrorisme par la contrebande de cigarettes
 

Questions de discussion

  • Comment qualifier la nature de l’engagement de Belmokhtar dans le trafic illicite ?
  • Pourquoi n’était-il pas apprécié par certains de ses confrères de l’organisation terroriste ?
  • Quelles sont les limites de l’implication des terroristes dans le trafic illicite ?

Étude de cas 7 (abus sexuels sur enfants - affaire R. v Way)

L’affaire canadienne R. v Way portait sur 176 films produits par la société Azov Films de M. Brian Way, que l’accusation qualifia de films de pornographie juvénile (selon les termes de la loi canadienne ; les Nations Unies préfèrent utiliser des termes comme « abus sexuels sur enfants ») ; selon Way, il s’agissait plutôt de films d’art sur le nudisme présentant de jeunes modèles masculins. L’accusé a soutenu que ces films, trouvés dans les locaux de la société, ne dépeignaient pas d’actes sexuels. La principale question à laquelle le tribunal devait répondre était de savoir si le matériel en question constituait de la pornographie juvénile telle que définie dans le Code pénal canadien (section 163.1 (1)(ii), aux termes duquel la caractéristique dominante de la pornographie juvénile est la « représentation, dans un but sexuel, d’organes sexuels ou de la région anale d’une personne âgée de moins de dix-huit ans». Une autre question était d’établir si le personnel en cause dans la société de Way constituait ou non un groupe criminel organisé.

Le tribunal releva que la société Azov Films était complexe et avait rapidement pris une envergure internationale. La documentation juridique trouvée sur son site web insinuait que ce matériel était légal au Canada et aux États-Unis. Le site web avait une bibliothèque ou un catalogue en ligne avec un moteur de recherche et un système de paiement courant. Le matériel pouvait être téléchargé ou fourni sur un support physique par la poste ou par courrier. La liste des clients d’Azov Films et les détails tirés de la collection personnelle du défendeur ont conduit à un élargissement de l’enquête à mesure que des cas plus graves d’abus sexuels commis sur des enfants et de pornographie juvénile étaient révélés. Des centaines d’enfants à risque furent identifiés dans le monde entier, et autant d’adultes furent arrêtés sur tous les continents grâce à la coopération étroite, à l’échelle internationale, entre les différents organismes d’application de la loi.

Bien que l’accusé eût maintenu que les enfants ou garçons en question étaient des modèles/mannequins, le tribunal, après examen des dispositions pertinentes de la législation, confirma que la nudité sexualisée des enfants répondait à la définition de la pornographie juvénile. Il confirma de même que la pornographie juvénileau plus bas niveau (en termes de gravité) n’en était pas moins de la pornographie juvénileaux termes du Code pénal canadien. À noter que, même si la quarantaine d’enfants (originaires de Roumanie et d’Ukraine pour la plupart) ne subirent pas, en l’espèce, directement d’actes sexuels, le tribunal attacha néanmoins de l’importance aux sentiments de honte et de dépression dont souffraient ces garçons. Il fut aussi constaté qu’ils se sentirent humiliés en réalisant que les films étaient vendus dans le monde entier ; certains d’entre eux furent en proie à de l’anxiété et à de l’agitation. Les films étaient en vente dans 92 pays. Au moins un de ces garçons fut formé à l’âge de 18 ans pour jouer dans des films de pornographie adulte, que distribua également la société.

Le tribunal conclut au-delà de tout doute raisonnable que, au vu des positions sexuelles, le type d’activités menées, le site web sur lequel les films sont vendus (le dénominateur commun étant la vente de films dépeignant de jeunes garçons et hommes nus), le fait que certains de ces films étaient accompagnés de photographies explicites et les déclarations de Way à propos des désirs de sa clientèle de plus en plus nombreuse, le téléspectateur raisonnable en déduirait aussitôt qu’il s’agissait de représentations à des fins sexuelles. En somme, le tribunal était persuadé à la fois que la caractéristique dominante des films était la représentation des organes génitaux et de la région anale des garçons à des fins sexuelles et que c’était par conséquent des films de pornographie juvénile.

Le ministère public fit également valoir que toute l’entreprise devrait être considérée comme un groupe criminel organisé. Néanmoins, les faits ne répondaient pas à la définition en l’espèce, étant donné que les individus impliqués étaient des employés, y compris la mère de Way identifiée en tant que trésorière et administratrice de la société, un caméraman et un éditeur. En outre, aucune preuve ne fut fournie concernant : a) les statuts de l’organisation ; b) les liens entre les parties au prétendu groupe criminel organisé ; c) la connaissance des employés de M. Way de ce que faisaient les autres membres de l’organisation pour le groupe criminel organisé. Le tribunal fut influencé par le fait que la société cinématographique produisait aussi d’autres films qui n’étaient pas illégaux, compliquant ainsi le test pour identifier les profits financiers ou autres avantages matériels – le mens rea(l’élément psychologique) requis en tant que preuve de l’existence d’un groupe criminel organisé. Le tribunal constata donc l’absence de pièce à conviction prouvant, au-delà de tout doute raisonnable, que l’organisation avait la structure requise pour constituer un groupe criminel organisé.

Bien que la société Azov Films ne fût pas reconnue comme groupe criminel organisé, la culpabilité de Way était liée à sa collection privée stockée à son domicile, dont quelques 187 001 images et 8 747 vidéos uniques, qu’il partageait également. Way fut condamné pour 15 chefs d’accusation liés aussi bien à la production et à la vente de pornographie juvénilequ’à sa collection personnelle y afférente. Il ne fut pas déclaré coupable d’incitation à l’importation, à la production, à la distribution et à l’exportation de pornographie juvénile au profit d’un groupe criminel organisé.

En août 2016, il fut condamné à 10 ans de réclusion criminelle et à une amende de 20 000 dollars américains ; avec obligation de se faire enregistrer comme délinquant sexuel ; de fournir un échantillon de son ADN pour les besoins d’expertise médico-légale ; et d’interdiction d’aller aux parcs et piscines publics fréquentés ou qui pourraient raisonnablement être fréquentés par des enfants, ou à des crèches ou garderies d’enfants, enceintes scolaires, aires de jeux ou centres communautaires ; de chercher, d’obtenir ou de garder un quelconque emploi ou de devenir un volontaire si ces fonctions le mettent en position de confiance ou d’autorité sur des enfants de moins de 16 ans.Il fut frappé, par ailleurs, d’interdiction de se servir d’un ordinateur pour communiquer avec toute personne de moins de 16 ans. Il a été déclaré que cette mesure resterait en vigueur pendant 10 ans après la libération de Way.

Dossiers connexes

 

Points importants à noter

  • Représentation sexualisée d’enfants, interprétations de l’art et abus sexuels sur enfants
  • Éléments constitutifs d’un groupe criminel organisé
 

Questions de discussion

  • Comment différencier la pornographie mettant en scène des enfants de la représentation de modèles/du mannequinat ?
  • Comment est défini un groupe criminel organisé dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ?
  • Sur quels éléments le tribunal s’est-il fondé en l’espèce pour déterminer si l’entreprise était ou non un groupe criminel organisé ?
 
Section suivante