La migration est un phénomène humain et social complexe, qui a été une source de prospérité et d’innovation dans l’histoire de l’humanité. La migration, qu'elle soit régulière ou irrégulière, n'est pas en soi une crise ou un problème et ne doit pas être confondue avec le trafic illicite de migrants, qui constitue un comportement criminel qui peut survenir dans le contexte de la migration. Cette section abordera la question de la migration afin de mieux comprendre le contexte plus large dans lequel se développent ces comportements criminels.
La migration a toujours eu lieu, même si certains événements ont entraîné une forte augmentation des mouvements de population. Par exemple, au cours du XXe siècle, la Grande Dépression, les guerres mondiales et la décolonisation ont provoqué d'importants déplacements transfrontaliers. Selon l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), on assiste actuellement à l'un des plus importants mouvements migratoires jamais enregistrés. À la fin de 2016, environ 65,6 millions de personnes avaient fui leur foyer à cause de conflits et de persécutions (souvent qualifiée de «migration involontaire»). De nombreuses personnes sont également obligées de quitter leur pays d'origine en raison, notamment, de catastrophes naturelles, de crises économiques ou du désir de se réunir avec des membres de leur famille dans d'autres pays.
Les migrations sont motivées par ce que l'on appelle des facteurs de répulsion et d'attraction, qui poussent les gens à quitter leur pays d'origine et les attirent vers certaines destinations. Les déplacements des migrants sont souvent motivés par une combinaison de plusieurs de ces facteurs. En effet, les facteurs de répulsion et d'attraction sont généralement interconnectés, et donnent lieu à des causes complexes de migration.
Facteurs de répulsion
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Facteurs d'attraction
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Pour bien comprendre le phénomène de la migration, il est important de prendre également en compte les facteurs qui empêchent les individus, qui souhaitent par ailleurs migrer, de le faire. Ces facteurs sont souvent liés à des politiques migratoires restrictives (en particulier dans les pays de destination), au manque de voies de migration régulières et à l’incapacité (ou à la capacité) des individus de contourner les obstacles dressés par les pays pour contrôler et réguler les mouvements internationaux. Le professeur Jorgen Carling évoque cette «immobilité involontaire» pour exprimer cette réalité qui influence les mouvements migratoires à travers le monde.
Le déplacement d'un grand nombre d'individus, en particulier dans le contexte d'une migration de masse, a des conséquences (voir encadré 3 ci-dessous). Ces conséquences n'existent pas isolément et sont souvent liées entre elles.
Conséquences des flux migratoires
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Néanmoins, il est important de souligner que la migration a été une partie intégrante et généralement positive de l'histoire de l'humanité. Elle génère des avantages importants pour les pays d'origine et de destination, ainsi que pour les migrants et leurs familles. Des problèmes peuvent toutefois surgir lorsque les circonstances ne sont pas adaptées aux conséquences des flux migratoires; par exemple, lorsque les politiques ou les capacités matérielles des pays de destination ne tiennent pas suffisamment compte du nombre de personnes ayant l'intention d'entrer et / ou de rester dans le pays.
Le trafic illicite de migrants se développe dans le contexte des aspirations et des conditions migratoires, ainsi que les règles des États relatives à l’entrée, au transit et au séjour des migrants. Les politiques migratoires des États sont souvent restrictives, reflétant la capacité limitée des pays à absorber un très grand nombre de migrants en peu de temps et leur préférence pour certains types de migrants (généralement des migrants hautement qualifiés). De nombreuses personnes souhaitant migrer ne satisfont pas à ces exigences légales ou n'en ont pas connaissance. Néanmoins, les politiques de migration strictes - y compris les politiques d'asile restrictives, les sanctions sévères pour entrée irrégulière et l'application des contrôles aux frontières - ont été largement inefficaces pour réduire les mouvements migratoires. En limitant les possibilités de migration régulière, les politiques restrictives ont plutôt entraîné une augmentation de la demande de services de passeurs qui aident les migrants à contourner les contrôles de migration et leur permettent d'entrer et de rester de manière irrégulière dans les pays de destination (voir, par exemple, Taran, 2003). Ces mesures ont également entraîné une professionnalisation croissante des passeurs. Des services illégaux sont mis en place pour répondre à la demande d'individus qui souhaitent migrer pour améliorer leur vie ou pour d'autres raisons impérieuses, mais qui ne peuvent pas migrer de manière légale. Le trafic illicite de migrants est souvent le dernier recours pour de nombreuses personnes qui tentent d'échapper à la guerre, à la violence et à la pauvreté (voir l'activité 1 proposée dans la section des Exercices).
À titre d'exemple, l'Europe est une destination de migration importante depuis de nombreuses années, mais à partir de 2015, l'UE a enregistré des niveaux record de migration irrégulière. Les raisons de cette augmentation sont liées à un ensemble complexe de facteurs résultant de bouleversements politiques au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie du Sud. De manière générale, le nombre de migrants en situation irrégulière enregistrés dans l'UE a commencé à augmenter en 2011 après le printemps arabe et l'effondrement du régime de Kadhafi en Libye. Les Africains subsahariens qui avaient émigré en Libye ont commencé à entrer en Europe pour fuir les troubles post-Kadhafi. L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime que plus de 464 000 migrants ont rejoint l'Europe par voie maritime au cours des neuf premiers mois de 2015 (OIM, 2018). Les Syriens, les Afghans et les Erythréens constituaient le groupe de migrants le plus important. La détérioration de la sécurité et la pauvreté croissante en Iraq, au Nigéria, au Pakistan, en Somalie et au Soudan du Sud ont également contribué aux flux migratoires vers l'Europe. En raison de sa situation géographique, l’UE est devenue une destination prédominante pour les migrants quittant ces pays. Même les migrants souhaitant émigrer en Amérique du Nord transitent généralement par des pays européens. L’urgence de quitter les pays d'origine, conjuguée aux difficultés économiques et à l'incapacité de satisfaire aux exigences d'une entrée régulière dans l'Union européenne, a entraîné une augmentation substantielle de l'utilisation des services de trafic illicite de migrants.
Il est également intéressant de noter que les voies de migration ont évolué - et évoluent - de manière dynamique, et sont influencées par la situation dans les pays d'origine et par les politiques restrictives de gestion des frontières dans les pays de transit et de destination. Les passeurs s'adaptent aux actions et aux nouvelles politiques des forces de l'ordre, trouvant ainsi des alternatives offrant plus de chances de succès et de rentabilité.
Pour une vue d'ensemble des flux mondiaux et des caractéristiques du trafic illicite de migrants, voir l’Étude mondiale sur le trafic illicite de migrants de l’UNODC publiée en 2018. Pour avoir une idée générale des flux mondiaux des migrants, des flux de réfugiés entre les régions et au sein de celles-ci, et des demandes d'asile en 2015, voir la carte interactive mondiale des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile. Voir l'activité 3 proposée dans la section des Exercices Additionnels.