Les affaires contre les individus participant à l'organisation de groupes criminels se déroulent généralement de la manière suivante : un organisme d'application de la loi établit une croyance raisonnable quant à l'existence d'une activité illégale (organisée) relevant de sa compétence. Selon la compétence, un rapport d'ouverture de dossier est préparé et examiné par un procureur ou un juge d'instruction pour s'assurer de sa suffisance. Ensuite, d'autres preuves sont rassemblées pour déterminer s'il y a suffisamment d’éléments pour que des accusations formelles soient portées.
L'application des lois nationales contre la criminalité organisée n'est pas standardisée. Certains pays ont des unités de détection et de répression spécialisées pour enquêter uniquement sur les affaires de criminalité organisée, tandis que d'autres n'ont pas d’unité distincte chargée de la détection et de la répression de la criminalité organisée. Dans tous les cas, les affaires de criminalité organisée pouvant être complexes et nécessiter un certain degré de spécialisation, il est nécessaire que des groupes de travail pluri-institutionnels se concentrent sur des infractions spécifiques ou sur des groupes criminels organisés préoccupants pour des infractions telles que la traite des personnes, le trafic de drogue, la criminalité liée aux espèces sauvages, la falsification de produits médicaux, les infractions financières et la cybercriminalité.
Les réseaux professionnels du personnel des services de détection et de répression échangent souvent des informations sur une base de réciprocité. Pour que ces réseaux soient efficaces, la confiance doit d'abord être établie. Dans la pratique, cette coopération est parfois minée par des programmes nationaux concurrents, une communication et un partage de l'information limités, la méfiance ainsi que des différences significatives de capacités entre les pays. Bien entendu, des lois compatibles sont nécessaires pour fournir une base aux efforts transnationaux de détection et de répression. Ces efforts de détection et de répression sont facilités par la large adhésion à la Convention contre la criminalité organisée et à ses protocoles qui fournissent la base juridique de la coopération entre les services de détection et de répression. Dans ce contexte, les articles 27 et 28 de la Convention contre la criminalité organisée sont particulièrement pertinents.
Les problèmes pratiques de la coopération en matière d'enquête au niveau international sont importants. De nombreux pays disposent de multiples organismes ayant des pouvoirs de détection et de répression (par exemple, l'agence nationale de police, les services douaniers, les organismes de police locaux, les organismes spécialisés dans la criminalité organisée), de sorte que les questions de compétence et de communication sont des considérations cruciales. Il existe également des problèmes logistiques liés à la disparité des technologies de l'information, aux barrières linguistiques, à l'accès différentiel aux ressources et à l'équipement spécialisé, et aux procédures d'obtention des autorisations d’accès à l'information et d'utilisation de techniques d'enquête spéciales.
Malgré ces obstacles, les pays reconnaissent que la menace de l’activité relevant de la criminalité transnationale organisée les oblige à être plus interdépendants car il n'y a pas d'autre moyen de monter des dossiers contre les délinquants qui communiquent, organisent et déplacent des personnes, des biens, des services et des profits illicites au-delà des frontières.
Les organismes de détection et de répression de différents pays ont ainsi étendu le champ de leurs activités à l'étranger. Les agents de liaison des services de détection et de répression affectés à un autre pays sont souvent affiliés soit à l'ambassade du pays qu'ils représentent, soit à une unité d'enquête ou à un groupe de travail. Les agents de liaison sont généralement chargés d'établir un canal de communication entre leur organisme et son homologue dans un pays étranger, agissant comme « interface humaine » entre les différentes organisations.
INTERPOL est la plus grande institution de coopération policière internationale et elle consacre des efforts considérables à la criminalité transnationale organisée.
La plus grande organisation internationale de police au monde : INTERPOL Avec 192 États membres, INTERPOL est la plus grande organisation internationale de police au monde. Son objectif est de permettre aux policiers du monde entier de travailler ensemble pour rendre le monde plus sûr. Afin de mener à bien ses activités transfrontalières, INTERPOL fonctionne dans le cadre du droit international. Elle est reconnue comme une organisation internationale par les Nations Unies et, en 1996, l'Assemblée générale des Nations Unies a conféré le statut d'observateur à INTERPOL. Contrairement à ce que certains pourraient penser, INTERPOL n'est pas une agence de police supranationale dotée de pouvoirs d'enquête et elle n'envoie pas d’agents dans les pays pour arrêter des individus. Toutes les enquêtes et arrestations dans les États membres sont menées par la police nationale conformément à la législation nationale. Chaque État membre dispose d'un Bureau central national d’INTERPOL composé d'agents des services de détection et de répression et servant de point de contact désigné. Notamment, le Statut de l'Organisation précise que la coopération policière internationale doit être menée dans l'esprit de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cet engagement en faveur des droits de l'homme s'exprime, par exemple, par la coopération de l'Organisation avec les cours et tribunaux internationaux et par le traitement minutieux des données à caractère personnel. De la même manière, des lignes directrices claires sur la neutralité ont été établies qui interdisent à INTERPOL d'entreprendre toute activité à caractère politique, militaire, religieux ou racial. Au cœur du mandat d'INTERPOL se trouve l'échange d'informations policières. L'Organisation gère des canaux de communication sécurisés qui relient les bureaux centraux nationaux dans tous les États membres, ainsi que d'autres organismes d'application de la loi et partenaires autorisés, et qui donnent accès à un éventail de bases de données criminelles. INTERPOL offre à ses États membres un système d'échange d'informations, le « système des notices », qui est utilisé par les autorités compétentes pour communiquer des informations sur des infractions, des criminels et des menaces. Les informations diffusées via ce système concernent des personnes recherchées pour des infractions graves, des personnes disparues, des corps non identifiés, des menaces possibles, des évasions de prison et le modus operandi de criminels (INTERPOL, 2018). L'image ci-dessous montre les types de notices que le Secrétariat général d'INTERPOL peut émettre, à la demande des bureaux centraux nationaux :
La liste actuelle des personnes recherchées (notices rouges) peut être consultée ici.La liste actuelle des personnes disparues (notices jaunes) peut être consultée ici.Source: Interpol |
En plus d'INTERPOL, il existe des organisations régionales ayant une structure et un mandat très similaires à ceux d’INTERPOL. Europol est l'organisme de détection et de répression de l'Union européenne qui s’occupe des renseignements criminels et lutte contre la criminalité organisée. Sa mission est de soutenir ses États membres dans la prévention et la lutte contre toutes les formes graves de criminalité organisée internationale et de terrorisme. ASEANAPOL, AFRIPOLet AMERIPOL sont des organisations similaires de détection et de répression en Asie, en Afrique et dans les Amériques, respectivement, conçues pour promouvoir et mener des enquêtes sur les infractions de nature transfrontalière.
Exemples de coopération policière en Afrique AFRIPOL : Mécanisme de coopération policière de l’Union africaine Le Mécanisme de coopération policière de l’Union africaine (UA), AFRIPOL, a été créé par la Déclaration d’Alger lors de la Conférence africaine des directeurs et inspecteurs généraux de police, les 10 et 11 février 2014. AFRIPOL est un mécanisme indépendant de coopération policière pour les États membres de l’UA. AFRIPOL a son siège à Oran, en Algérie, et y a tenu sa première assemblée générale en 2017. L’article 3 du Statut d’AFRIPOL, adopté en janvier 2017, définit les objectifs suivants :
Source : AFRIPOLEn janvier 2019, INTERPOL et l’UA ont signé un accord de partage d’informations instaurant un cadre de coopération entre AFRIPOL et INTERPOL pour lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée.Aux termes de cet accord, AFRIPOL aura accès aux bases de données d’INTERPOL sur les informations nominatives, les véhicules volés et les documents de voyage volés ou perdus. En outre, le Secrétariat d’AFRIPOL aura la possibilité d’échanger des messages avec les bureaux centraux nationaux de la région Afrique par l’intermédiaire du réseau de communication policière sécurisée I-24/7 d’INTERPOL (INTERPOL, 2019). ENACT : Renforcer la réponse de l’Afrique à la criminalité transnationale organisée ENACT est un projet du programme panafricain de l’Union européenne qui vise à atténuer l’impact de la criminalité transnationale organisée en Afrique sur le développement, la gouvernance, la sécurité et l’État de droit. Il y parvient de deux manières : premièrement, en développant les connaissances et en offrant une analyse factuelle de la criminalité transnationale organisée en Afrique qui permettra d’informer les politiques et de renforcer la coopération aux niveaux régional et continental. Deuxièmement, il renforce les compétences et les capacités des acteurs africains clés afin de mieux répondre à ce phénomène et d’en atténuer l’impact. ENACT est un programme de trois ans (2017-2019) mis en œuvre par un partenariat d’organisations expertes, à savoir l’Institut des études de sécurité et INTERPOL, en affiliation avec l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (Global Initiative against Transnational Organized Crime). INTERPOL participe au projet ENACT afin d’aider la police en Afrique à adopter des stratégies proactives pour lutter contre les menaces liées à la criminalité organisée, pour faciliter l’échange d’information et pour renforcer leurs compétences en matière d’enquête. Source : ENACTLe Système d’information policière d’Afrique de l’Ouest (SIPAO) Lancé en 2012, le programme SIPAO, mis en œuvre par INTERPOL et financé par l’Union européenne, vise à accroître l’échange d’informations policières en Afrique de l’Ouest. Cette région est particulièrement attractive pour les criminels en raison de sa proximité géographique avec l’océan Atlantique : une grande majorité des pays de la région bordent cet océan, devenant ainsi des lieux de transit entre les continents africain, européen et américain. Le programme SIPAO cherche à atteindre ses objectifs d’échanges d’information et de coopération en :
Le programme SIPAO est mis en œuvre à différentes échelles :
Source : INTERPOL, Programme SIPAO |