Jusqu'à présent, ce Module a considéré les enfants comme faisant l'objet de trafic illicite ou victimes de la traite. Dans certains cas, les enfants peuvent aussi agir comme passeurs de migrants et trafiquants d'êtres humains. Lorsque des enfants sont accusés d'avoir commis un acte criminel, plusieurs autres questions, souvent complexes, se posent.
Il est important de se demander si la participation d'enfants à des activités criminelles est le résultat d'une contrainte ou d'une tromperie. Cette question peut se poser, en particulier, dans les situations où des enfants sont trompés ou contraints de transporter ou d'aider d'une autre manière des migrants faisant l'objet d'un trafic illicite. Des données provenant de plusieurs pays et sources indiquent que ce phénomène est d'une ampleur significative. Des enfants égyptiens seraient utilisés pour conduire des navires de trafic illicite vers l'Italie (OIM, 2016), tandis que des enfants ont également été utilisés pour conduire des navires de la Turquie à la Grèce (Economou, 2016). Il existe également de nombreux rapports faisant état d'enfants utilisés pour faire passer des migrants du Mexique aux États-Unis et d'Indonésie en Australie. Comme Gallagher et David (2014, p. 569) le font remarquer, " les enfants peuvent être spécifiquement recrutés pour jouer certains rôles de faible importance dans le processus de trafic illicite, tels que membre de l'équipage des navires de trafic illicite de migrants, car ils sont plus susceptibles d'échapper aux poursuites et de simplement retourner chez eux ". Les enfants forcés à se livrer à des activités criminelles de trafic illicite de migrants peuvent être eux-mêmes victimes de la traite. Dans de tels cas, le principe de non-criminalisation sera pertinent (voir Module 8).
Il convient de veiller tout particulièrement à identifier les cas dans lesquels des adultes ciblent des enfants pour ces rôles, sachant que les enfants (en particulier les enfants qui n'ont pas atteint l'âge de la responsabilité pénale dans la juridiction concernée) peuvent échapper à des sanctions pénales. Dans de tels cas, les obligations des autorités répondantes sont doubles. Premièrement, les enfants exploités devraient bénéficier d'un soutien holistique, pratique et adapté aux enfants, qui favorise leurs perspectives de réinsertion et l'exercice d'un rôle productif dans la société. Ces mesures devraient être non stigmatisantes et non criminalisantes, et les enfants devraient être traités conformément aux Lignes Directrices en Matière de Justice dans les Affaires Impliquant les Enfants Victimes et Témoins d'Actes Criminels. Deuxièmement, des ressources devraient être consacrées à la détection et à la poursuite efficaces des adultes pénalement responsables du recrutement et de l'exploitation d'enfants à des fins criminelles, conformément au paragraphe 2 c) de l'article 5 du Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.
Les enfants suspectés, accusés, ou reconnus coupables d'avoir commis des crimes restent titulaires de tous les droits qui leur sont dus en vertu de la Convention relative aux Droits de l'Enfant et, du droit international plus généralement. En outre, les principes relatifs à la justice spécialisée pour enfants s'appliqueront également dans de tels cas. Parmi les instruments pertinents figurent Ensemble de Règles Minima des Nations Unies concernant l'Administration de la Justice pour Mineurs (Règles de Beijing) et la Résolution 1997/30 sur l'Administration de la Justice pour Mineurs (Conseil Economique et Social des Nations Unies, 1997) et les orientations récentes sur la prévention de la violence contre les enfants en conflit avec la loi, élaborées dans les Stratégies et Mesures Concrètes Types des Nations Unies pour l'Elimination de la Violence contre les Enfants dans le Domaine de la Prévention du Crime et de la Justice Pénale (A/RES/69/194). D'une manière générale :
Des mesures spéciales devraient être prises pour garantir un accès réel à l'aide juridique aux femmes, aux enfants et aux groupes ayant des besoins spéciaux, concernant notamment, mais non exclusivement, les personnes âgées, les minorités, les personnes handicapées, les personnes atteintes de maladie mentale, les personnes vivant avec le VIH et d'autres maladies contagieuses graves, les toxicomanes, les indigènes et aborigènes, les apatrides, les demandeurs d'asile, les étrangers, les migrants et travailleurs migrants, les réfugiés, et les personnes déplacées dans leur pays d'origine. Ces mesures devraient répondre aux besoins particuliers de ces groupes, comprenant des mesures tenant compte des sexospécificités et adaptées à l’âge (2013, par. 32).