Ce module est une ressource pour les enseignants

 

Au-delà des trois approches « non traditionnelles » en matière de prévention de la criminalité organisée

Les approches administratives ou « non traditionnelles » proposées par Schneider et reconsidérées par Levi et Maguire (2004) fournissent des éléments valables pour organiser et comprendre certaines des principales typologies de prévention de la criminalité organisée. Néanmoins, il existe au moins deux autres catégories d’intervention pertinentes qui nécessitent un examen plus approfondi. Il s’agit de :

  1. La prévention par le maintien de l’ordre/la justice pénale, et
  2. La coopération internationale et nationale

La prévention de la criminalité organisée par le maintien de l’ordre/la justice pénale

Comme souligné dans une autre section de ce module, les mesures de justice pénale, bien que plus souvent associées à la répression de la criminalité, peuvent être – et sont souvent – également préventives. Les interventions du système de justice pénale, y compris des services de détection et de répression, des tribunaux et des institutions pénitentiaires, englobent un large éventail d’actions qui concernent les différentes étapes du processus de justice pénale et vont des enquêtes proactives visant à empêcher la commission d’infractions à l’accompagnement des anciens détenus après leur libération pour prévenir la récidive.

Les enquêtes proactives – qui sont menées avant qu’une infraction ne soit commise – sont un composant fondamental de toute stratégie efficace de prévention et de lutte contre la criminalité organisée. Elles sont généralement basées sur une analyse de renseignements relatifs à la criminalité qui permet aux services de détection et de répression d’identifier et de comprendre les groupes criminels organisés opérant dans leur secteur. Une fois que ces groupes sont identifiés et que leurs habitudes sont connues, les services de détection et de répression peuvent commencer à évaluer les tendances actuelles de la criminalité afin de prévoir et d’entraver le développement d’activités délictueuses futures suspectées (ONUDC (a), 2020). En plus de soutenir les enquêtes, les opérations de surveillance et les poursuites judiciaires, l’analyse des renseignements relatifs à la criminalité permet également aux services de détection et de répression de gérer efficacement les ressources financières, humaines et autres et d’assumer leurs responsabilités en matière de prévention de la criminalité.

L'évaluation des menaces posées par la criminalité organisée

Étant donné que les actions préventives peuvent varier en fonction des circonstances individuelles d’un pays ou d’une région, la première étape nécessaire de toute stratégie est une évaluation des menaces posées par la criminalité organisée, qui devrait inclure l’application d’outils de diagnostic afin d’identifier les facteurs de risque ainsi qu’une évaluation de référence (ONU, 2014). Une analyse des risques existants au sein d’un pays est nécessaire pour identifier les menaces les plus importantes posées par la criminalité transnationale organisée et pour formuler des réponses préventives appropriées. En parallèle, une évaluation de référence des mesures préventives aide à identifier les lacunes dans les réponses de détection et de répression. Ces évaluations devraient être répétées régulièrement et associées à l’élaboration de renseignements stratégiques en matière de criminalité et à une analyse des activités relevant de la criminalité organisée. De plus amples informations sur les évaluations des menaces et des risques (y compris une explication de la terminologie) sont disponibles dans le Module 5 de la série de modules de l’ONUDC sur la criminalité organisée. L’ONUDC a également élaboré un certain nombre d’évaluations des menaces aux niveaux international, régional et national, disponibles ici, ainsi que des outils pour aider les États à développer des évaluations des menaces, tels que le Guide pour la préparation et l’utilisation des évaluations des menaces posées par la criminalité organisée et les infractions graves (Guidance on the preparation and use of serious and organized crime threat assessments ou SOCTA Handbook)

 

En raison de la gravité souvent associée aux infractions relevant de la criminalité organisée, le système de justice pénale dispose, dans les affaires de criminalité organisée, d’outils particuliers qui peuvent ne pas être accessibles – ou simplement utilisés – dans le cadre d’autres types d’infractions (par exemple, les infractions mineures). Dans la phase d’enquête, ces outils comprennent l’utilisation de techniques d’enquête spéciales, telles que la surveillance physique et électronique, les opérations d’infiltration et l’analyse financière, entre autres. Une fois que l’infraction a été commise et que l’accusé a été arrêté, dans certains pays, les procureurs et les juges peuvent avoir recours à un allègement de la peine en échange d’une coopération substantielle dans l’enquête ou la poursuite judiciaire d’une infraction pénale grave. Dans certains cas, l’immunité peut être accordée en échange d’un témoignage, dans le but de poursuivre des individus soupçonnés d’avoir commis des infractions plus graves grâce au témoignage de personnalités moins importantes. Ces mesures doivent souvent être associées à la capacité de fournir une protection efficace aux témoins ainsi qu’à une aide et une protection aux victimes de la criminalité organisée, et donc d’avoir un programme de protection des témoins en place. En outre, la procédure de justice pénale peut permettre le gel ou la confiscation d’avoirs, ou la saisie de biens illicites ou de produits présumés du crime à différentes étapes de la procédure de justice pénale. Comme indiqué précédemment dans ce module, la confiscation est un instrument fondamental dans la prévention et la lutte contre la criminalité organisée car elle perturbe l’entreprise criminelle en sapant sa structure fiscale.

En outre, il existe une série de mesures liées à l’incarcération et à la réinsertion des détenus qui peuvent être adoptées dans les affaires de criminalité organisée. Un exemple est la détention provisoire, largement utilisée dans de telles affaires car elle peut être nécessaire pour « empêcher la fuite, l’interférence avec les preuves ou la répétition de l’infraction » ou « lorsque la personne concernée représente une menace claire et sérieuse pour la société qui ne peut être contenue d’aucune autre manière » [traduction non officielle] (ONU, 1994). Néanmoins, comme l’établissent les Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (les « Règles de Tokyo »), les gouvernements devraient faire tous les efforts raisonnablement possibles pour éviter la détention provisoire, qui devrait rester une mesure de dernier recours dans les procédures pénales et, autant que possible, être remplacée par des alternatives à l’emprisonnement. En ce sens, les pénalistes contemporains ont fait valoir que l’utilisation systématique de ces mesures et les politiques fermes de répression de la criminalité ont conduit à une ère de sur-incarcération dans de nombreux pays (voir par exemple, Roberts et al., 2003 ; Pratt, 2007). Si elles ne sont pas appliquées prudemment et exceptionnellement, ces mesures peuvent exacerber le problème au lieu de contribuer à le résoudre. Par exemple, en raison de la surpopulation carcérale et d’autres défauts du système, tels que la mauvaise gestion des prisons et la corruption dans le système pénitentiaire, les prisons peuvent devenir des lieux de recrutements pour les groupes criminels organisés et les organisations terroristes (ONUDC (b), 2020). Le sujet des alternatives à l’emprisonnement est abordé plus en détail dans le Module 7 de la série de modules sur la prévention du crime et la justice pénale, qui comprend également une section spécifique sur les alternatives avant le procès. Pour plus d’informations sur la détention, les peines et la réforme des prisons, voir le Module 6 de la même série de modules.

Prévention de la criminalité organisée et considérations de genre

Les chemins vers la délinquance, l’incarcération et, plus largement, les expériences avec le système de justice pénale sont genrés. Les stratégies de prévention qui ne prennent pas en compte les aspects de genres de ces processus ont donc peu de chances de s’attaquer efficacement aux causes sous-jacentes de la criminalité (organisée). Un certain nombre de modules de l’ONUDC ont été consacrés à la question du genre, tant dans le contexte de la criminalité organisée en particulier (Module 15 sur le genre et la criminalité organisée de la série de modules sur la criminalité organisée et le Module 13 sur les dimensions de genre dans la traite des personnes et le trafic illicite de migrants de la série de modules sur la traite des personnes et le trafic illicite de migrants) que de la prévention du crime et la justice pénale en général (Module 9 sur le genre dans le système de justice pénale de la série de modules sur la prévention du crime et la justice pénale). Il suffira de rappeler dans le cadre du présent module que certains facteurs liés aux systèmes de justice pénale affectent différemment, et souvent de manière disproportionnée, les femmes et les personnes LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres/transsexuelles et intersexuées). Ces facteurs et chemins vers l’incarcération comprennent, entre autres, les expériences de violences et d’abus passés, la contrainte à commettre une infraction par un agresseur ou une personne d’influence, la commission d’infractions « morales », telles que l’adultère, ou certaines pratiques sexuelles interdites par la loi (Manjoo, 2013). Au sein de la population carcérale féminine, les minorités ethniques désavantagées, les ressortissants étrangers et les personnes indigènes représentent une proportion plus importante que leur proportion dans la population générale, souvent en raison de problèmes spécifiques auxquels ces groupes vulnérables sont confrontés dans la société (van den Bergh, Gatherer, Fraser et Moller, 2011).

Dans le contexte de la criminalité organisée, une série de questions spécifiques doivent être prises en compte. De manière générale, dans les groupes criminels organisés, les femmes ont tendance à faire une grande partie du « sale boulot » de l’organisation (par exemple, déplacer les drogues, transporter les armes, rassembler des renseignements sur les gangs rivaux), ce qui les expose de manière disproportionnée au risque de détection par les services de détection et de répression. Elles occupent plus souvent des rôles subalternes dans les organisations criminelles, ce qui leur donne un accès limité à des renseignements ou à des informations privilégiées sur les groupes pour lesquels elles travaillent. En retour, cela les rend moins susceptibles de négocier des réductions de peine dans les pays où l’allégement en échange de la coopération est possible.

Dans de nombreux pays, les femmes et les personnes qui s’identifient comme LGBTI sont affectées de manière disproportionnée par des lois et des procédures discriminatoires qui sapent l’égalité des chances en matière d’emploi et d’éducation. Cela peut se traduire par l’exclusion pure et simple du marché du travail et de l’économie formelle ou par l’obligation d’accepter des emplois mal payés ou illégaux pour survivre. C’est le cas, par exemple, des femmes en milieu rural impliquées dans l’économie de la coca dans les pays d’Amérique latine, employées comme travailleuses agricoles et faisant le commerce de la feuille de coca et de ses dérivés (sur ce sujet, voir l’étude de cas « La place que les femmes cultivatrices de coca méritent » dans la section des exercices du Module 15 sur le genre et la criminalité organisée). Ignorer leur point de vue revient à occulter leurs expériences qui sont essentielles pour comprendre comment les inégalités sociales et la pauvreté opèrent à travers des politiques telles que « la guerre contre la drogue » et affectent les femmes et les secteurs vulnérables de la société. La précarité financière et les faibles niveaux d’alphabétisation se traduisent également par un manque de connaissances pour naviguer le système de justice pénale, un manque de ressources pour répondre aux exigences financières des cautions (le cas échéant) et l’incapacité de se payer des services juridiques obtenus dans le commerce, entre autres problèmes (pour une analyses des défis auxquels les femmes et les personnes LGBTI en conflit avec la loi peuvent être confrontées, veuillez consulter les sections pertinentes – femmes, LGBTI – du module sur le genre dans le système de justice pénale de la série de modules sur la prévention du crime et la justice pénale).

La répartition des tâches selon les rôles de genre joue également un rôle dans les flux migratoires et se traduit par le fait que les femmes sont plus susceptibles d’être condamnées pour le trafic illicite d’amis et de membres de la famille (Sanchez, 2018). Bien que le Protocol sur le trafic illicite de migrants additionnel à la Convention contre la criminalité organisée n’ait pas l’intention d’incriminer les activités de ceux qui apportent un soutien aux migrants pour des raisons humanitaires ou sur la base de liens familiaux étroits, certains pays n’en n’ont pas tenu compte dans leur législation nationale et poursuivent en justice les hommes et les femmes pour trafic également dans ces cas-là (ONUDC, 2006). Dans de telles circonstances, les femmes peuvent être accusées trafic illicite de migrants pour avoir fourni le gîte et le couvert à leurs enfants, leurs maris ou leurs partenaires.

Ces considérations, et bien d’autres encore, mises en évidence dans les modules de l’ONUDC susmentionnés, soulignent l’importance d’examiner de plus près la question du genre dans l’étude de la criminalité organisée et d’adopter une stratégie tenant compte du genre pour prévenir efficacement ce phénomène.

 

En ce qui concerne les conditions de détention, dans certains pays, les infractions relevant de la criminalité organisée s’accompagnent de régimes de détention particulièrement stricts, surtout lorsque le détenu est le leader d’un groupe criminel organisé. Afin d’empêcher l’entrave au bon fonctionnement de la justice pendant les procès, de s’assurer que les personnes accusées rompent tout lien avec les autres membres du groupe et de réduire les chances que ceux-ci puissent continuer à mener des opérations délictueuses derrière les barreaux, certains de ces régimes spéciaux prévoient de maintenir les détenus en isolement. D’autres mesures peuvent consister à relocaliser des détenus dans des établissements correctionnels loin de leur communauté, à restreindre les droits de visite des membres de la famille et des épouses/époux ou à les priver totalement de droits de visite (sur ce sujet, voir également le module sur le genre et la criminalité organisée de la série de modules de l’ONUDC sur la criminalité organisée). Les pratiques telles que l’isolement temporaire, utilisées tant pendant la détention provisoire que pendant la détention après la condamnation devraient toujours être limitées dans le temps, soumises à un examen indépendant et appliquées uniquement sur autorisation d’une autorité compétente, comme le prévoit la Règle 3 de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). Ces garanties sont conformes à la considération selon laquelle la détention – dans la majorité des pays la forme la plus sévère de sanction que les tribunaux peuvent imposer – doit viser à la réforme et à la réinsertion sociale des délinquants (article 10.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) ainsi qu’à leur préparation à l’intégration sociale (Règle 4 des Règles Nelson Mandela).

La réinsertion et l’intégration sociale des anciens détenus qui étaient membres – ou leaders – de groupes criminels organisés présentent des défis qui leur sont propres. Bien que le sujet soit évoqué ici, une description approfondie des programmes d’intégration sociale n’entre pas dans le cadre de ce module. Aux fins du présent module, il suffit de souligner que les individus qui sont immergés dans des groupes sociaux négatifs – tels que les membres d’organisations criminelles – sont plus susceptibles de s’identifier aux rôles dans le groupe et moins susceptibles de modifier leur identité et leur comportement après leur emprisonnement (ONUDC, 2012 (b)). Les gangs et les groupes criminels procurent un fort sentiment d’appartenance à leurs membres et peuvent exercer une forte attraction sur les détenus récemment libérés. Il est donc important de reconnaître que les anciens détenus ayant une affiliation à ces groupes sont également plus susceptibles de récidiver après leur libération (ONUDC, 2012 (b)).

En général, tant dans les traitements communautaires que dans les traitements institutionnels, il est nécessaire de fournir systématiquement des interventions – telles que des consultations et un soutien psychologiques, des programmes cognitifs et comportementaux, des interventions d’aide sociale, une éducation, des formations professionnelles, des thérapies créatives et des activités familiales – afin de soutenir le retrait des organisations criminelles et le renoncement au comportement délictueux (voir, par exemple, l’initiative de l’ONUDC de la prévention du crime chez les jeunes par le sport, également abordée dans la section des exercices de ce module, qui vise à promouvoir le sport et les activités connexes pour prévenir la criminalité et renforcer efficacement la capacité d’adaptation des jeunes à risque). Dans certains cas, la seule alternative pour les anciens membres de groupes criminels organisés peut consister à commencer une nouvelle vie dans un environnement complètement nouveau, loin des réseaux familiers d’amis ou de contacts. Il est nécessaire de mettre en place des programmes et des interventions pour aider à rompre les liens sociaux de l’ancien détenu avec les gangs et les autres organisations criminelles, notamment des interventions pour aider au développement de réseaux de soutien prosociaux (ONUDC, 2012 (b)).

Vous voulez en savoir plus sur la réinsertion et l’intégration sociale des détenus ?

Pour plus d’informations, veuillez consulter le Programme de l’ONUDC sur la réinsertion des détenus. Parmi d’autres initiatives, ce programme a élaboré une « Feuille de route pour l’élaboration de programmes de réadaptation en milieu carcéral » qui fournit des directives pratiques à destination des administrations pénitentiaires pour les aider à élaborer des programmes de réadaptation durables et de haute qualité, conformes aux normes internationales. D’autres outils de directives publiés sous les auspices du Programme sont le « Manuel sur les mesures de lutte contre la corruption dans les prisons » (en anglais) et la deuxième édition du « Manuel d’introduction pour la prévention de la récidive et la réinsertion sociale des délinquants ».

 

Plus d’informations sur certaines des mesures spécifiques mentionnées dans cette section sont disponibles dans les modules suivants :

  • Module 8 de la série de modules de l’ONUDC sur la criminalité organisée : les outils de détection et de répression
  • Module 9 de la série de modules de l’ONUDC sur la criminalité organisée : les stratégies de poursuites judiciaires
  • Module 10 de la série de modules de l’ONUDC sur la criminalité organisée : la détermination de la peine et la confiscation

La coopération internationale et nationale

La coopération internationale et nationale est essentielle pour prévenir et lutter efficacement contre la criminalité organisée. Afin de faciliter la coopération internationale, la législation et les actions nationales doivent être alignées sur les standards et les normes internationales ainsi que sur les traités internationaux juridiquement contraignants. Comme analysé en détail dans différent modules de la série de modules de l’ONUDC sur la criminalité organisée, les instruments juridiquement contraignants les plus importants dans le domaine de la criminalité organisée sont la Convention contre la criminalité organisée et ses trois Protocoles additionnels ainsi que la Convention contre la corruption. Ces traités ont formalisé une part importante des standards et normes des Nations Unies en matière de prévention du crime et de justice pénale – qui sont des résolutions normatives non contraignantes convenues au niveau international – en droit international contraignant pour leurs États parties.

L’importance des normes et standards des Nations Unies en matière de prévention du crime et de justice pénale est analysée dans le Module 1 de la série de modules sur la prévention du crime et la justice pénale (en anglais), qui les reconnaît comme étant une affirmation puissante de notre humanité commune et une façon de préserver la dignité humaine. Les standards et normes constituent des standards et règles minimaux faisant autorité pour aider les États membres à relever une série de défis dans le processus de justice pénale, notamment le manque de services, la pauvreté, l’inégalité, la corruption, l’incrimination des victimes, les lacunes juridiques ou procédurales, les retards excessifs ou les processus trop expéditifs, le recours excessif aux approches punitives et les stéréotypes ou normes sociales préjudiciables qui ont des effets discriminatoires. Ils constituent donc un outil fondamental de prévention de la criminalité car ils visent non seulement à supprimer les obstacles à l’administration efficace de la justice, mais aussi à s’attaquer aux problèmes qui sapent la confiance du public en l’État.

Outre le rôle important qu’elles jouent en facilitant les négociations et l’adoption de traités internationaux phares et de standards et normes internationaux en matière de prévention du crime et de justice pénale, les Nations Unies encouragent également la coopération, l’engagement et l’échange d’informations dans ce domaine. Plus précisément, dans le contexte de la Conférence des Parties à la Convention contre la criminalité organisée, l’échange d’informations est fondamental pour renforcer la capacité de toutes les parties à prévenir et à lutter efficacement contre la criminalité transnationale organisée et pour promouvoir et examiner la mise en œuvre de la Convention, conformément à son article 32 (le Mécanisme d’examen de l’application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des Protocoles s’y rapportant a été adopté à la neuvième session de la Conférence des Parties en 2018). La coopération avec les organisations régionales pourrait également s’avérer être bénéfique à cet égard et permettrait d’avoir un aperçu des défis régionaux et des enseignements tirés. Néanmoins, lors de l’établissement de partenariats, il est important de reconnaître que les alliances les plus bénéfiques peuvent ne pas être fondées sur une base régionale mais façonnées par les flux de criminalité transnationale organisée, ce qui pourrait également favoriser des collaborations peu conventionnelles dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée. La Convention contre la criminalité organisée fournit la base et le cadre juridiques pour une telle coopération.

Une action coordonnée des services de détection et de répression permet d’obtenir de meilleurs résultats. La coopération internationale devrait donc inclure la coordination de ces efforts entre les États et les réseaux et organisations internationaux spécialisés, tels qu’INTERPOL, l’Office européen de police (Europol), la Communauté des polices d’Amérique (AMERIPOL), les polices nationales de l’ANASE (ASEANPOL) et l’Association internationale des chefs de police. Les services nationaux de détection et de répression devraient participer au travail des mécanismes régionaux de détection et de répression afin de repérer les enquêtes appropriées.

La collaboration par le biais de réseaux régionaux, tels que le Centre régional d’information et de coordination d’Asie centrale (CARICC), le Centre de renseignements en matière de criminalité pour lutter contre la drogue pour les États du Golfe (the Gulf Criminal Intelligence Centre to Combat Drugs), la cellule de planification conjointe de l’Afghanistan, de l’Iran (République islamique d’) et du Pakistan, et le Centre de maintien de l’ordre de l’Europe du Sud-Est (SELEC), tire parti de la force combinée de réseaux régionaux individuels et sert à accroître les capacités de renseignement et d’enquête. En vertu de l’article 19 de la Convention contre la criminalité organisée, cette collaboration peut être soutenue par la création d’instances d’enquêtes conjointes par deux États membres ou plus dans le but de collaborer sur des affaires spécifiques et complexes ayant une dimension transnationale. Outre la formation de partenariat formels, les États membres devraient s’efforcer de favoriser la mise en place de réseaux informels souples pour prévenir et lutter contre la criminalité transnationale organisée afin de répondre rapidement et de manière adéquate aux dynamiques en constante évolution de ce phénomène.

Les alliances entre les pays et l’échange d’informations au niveau international ne peuvent être efficaces sans une coopération nationale. La criminalité transnationale organisée peut se manifester de multiples façons dans et à travers les différents États, régions, secteurs et marchés illicites. Par conséquent, et afin de prévenir efficacement et globalement la criminalité transnationale organisée, il est essentiel d’adopter une stratégie pangouvernementale impliquant toutes les branches et sections concernées ainsi que le système de justice pénale. Une telle stratégie devrait également prévoir des mécanismes de coopération solides. De nombreuses stratégies nationales existantes soit reconnaissent la nécessité d’une plus grande collaboration entre les instances nationales soit exposent le soutien de l’État aux instances et structures existantes. Les efforts supplémentaires à cet égard doivent inclure une action à la fois horizontale et verticale, la création de synergies entre les différentes branches du gouvernement national et une coopération accrue entre les différents niveaux (local, étatique et fédéral/national selon le système) du gouvernement.

Afin de coordonner et d’harmoniser efficacement le travail des entités concernées, les gouvernements doivent prendre l’initiative de formuler des stratégies nationales cohérentes qui alignent et hiérarchisent les efforts et les ressources au sein des organisations concernées et entre elles. Le gouvernement devrait diriger l’élaboration de politiques, en définissant les priorités en matière de lutte contre la criminalité organisée et en veillant à ce que des cadres soient mis en place pour permettre la collaboration. Cependant, un leadership gouvernemental fort ne devrait pas nuire au fonctionnement indépendant des services de détection et de répression et des autres organismes impliqués dans la prévention et la lutte contre la criminalité organisée. L’existence au niveau national d’une entité centrale de lutte contre la criminalité transnationale organisée peut être nécessaire pour une coordination efficace des efforts. Lorsque la création d’une telle institution n’est pas possible, les États devraient établir un cadre solide permettant une coopération étroite.

Des cadres, des lignes directrices et des systèmes de partage des connaissances, notamment des contrôles de protection des données nécessaires et adéquats, sont d’une importance capitale. Pour cette raison, il peut s’avérer nécessaire de réexaminer la législation sur la confidentialité afin de s’assurer que les agences sont en mesure de partager des renseignements, dès que cela est justifié, et dans les limites des dispositions nationales et régionales en matière de protection des données ainsi que du droit international des droits de l’homme. En raison de la concurrence entre les différentes instances gouvernementales, des acteurs peuvent parfois être réticents à fournir des informations et à partager leurs connaissances rapidement, c’est pourquoi les gouvernements pourraient envisager de mettre en place des systèmes récompensant la coopération (ONUDC, 2011).

La prévention et la lutte contre la criminalité transnationale organisée ne peuvent se limiter au niveau national ; les parties prenantes locales doivent aussi être activement engagées, en particulier dans les affaires où les pouvoirs de détection et de répression ne relèvent pas de la compétence d’une seule autorité nationale. Si les instances et organismes centraux peuvent servir de catalyseurs à la coopération verticale, les services de détection et de répression locaux et les autres instances concernées doivent assurer le soutien de tentatives plus vastes de prévention et de lutte contre la criminalité transnationale organisée en fournissant aux autres services de détection et de répression toutes les informations disponibles et pertinentes. Une stratégie pour encourager le soutien ascendant consiste à créer des unités locales et régionales dans le but de partager les connaissances et d’encourager la coopération ainsi qu’à élaborer des protocoles de partage d’informations soigneusement rédigés pour protéger la vie privée et garantir que seules les informations pertinentes et appropriées sont partagées.

Enfin et surtout, les services de détection et de répression et les services de renseignement ont besoin d’une indépendance opérationnelle vis-à-vis des interférences politiques. Le manque d’indépendance opérationnelle est l’un des problèmes les plus répandus en matière de prévention et de lutte contre la criminalité transnationale organisée, surtout si l’on considère les liens étroits entre la criminalité transnationale organisée et la corruption. L’indépendance opérationnelle de la police nécessite un système solide de contrôle de cette dernière. Un système indépendant sur le plan opérationnel ne peut être efficace que dans la mesure où les personnes impliquées le sont. Par conséquent, un système indépendant de recrutement, de promotion et de titularisation est nécessaire pour garantir que les agents sont politiquement indépendants et qu’ils agissent avec intégrité. De plus amples informations sur l’importance de l’intégrité et de la responsabilité des services de détection et de répression sont présentées dans le Module 5 de la série de modules sur la prévention du crime et la justice pénale.

 

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