En dehors du Protocole contre la traite des personnes, de nombreux droits sont reconnus aux victimes de la traite en fonction de leur statut, notamment en tant qu'êtres humains, enfants, femmes, réfugiés et personnes handicapées. Ces droits, et les obligations correspondantes qui incombent aux États, constituent la base d'une approche de la traite fondée sur les droits de l'homme. Obokata (2006, p. 384) identifie deux avantages principaux à adopter une telle approche :
"Premièrement, elle favorise une meilleure compréhension des problèmes rencontrés par les victimes de la traite. Les victimes de la traite peuvent être considérées comme des victimes de violations des droits de l'homme plutôt que comme des criminels qui violent les lois et règlements nationaux en matière d'immigration, et une approche axée sur la victime peut donc être encouragée. La victimisation peut conduire à priver les victimes d'un sentiment de maîtrise de soi et d'autonomie, et elles peuvent aussi se sentir isolées de leur famille, de la société et du monde qui les entoure. L'approche centrée sur la victime pourrait remédier à cette situation et autonomiser les victimes en leur redonnant dignité et estime de soi. Deuxièmement, un cadre des droits de l'homme peut être utilisé pour aborder des questions plus larges. Comme on l'a vu plus haut, la traite des êtres humains soulève un large éventail de questions, y compris ses causes et ses conséquences, qui doivent être traitées pour prévenir et réprimer efficacement ce phénomène. Un cadre des droits de l'homme nous permet de comprendre ces questions en profondeur et de rechercher des solutions non seulement juridiques, mais aussi politiques, économiques et sociales en conséquence. En d'autres termes, cela a le potentiel de promouvoir une approche holistique, et donc de renforcer l'action mondiale contre le phénomène".
Le principe de non-discrimination est un élément fondamental d'une approche de la traite des personnes fondée sur les droits de l'homme. C'est-à-dire qu'à de très rares exceptions près, les droits énoncés dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme s'appliquent sans discrimination. Les États ne peuvent pas refuser l'application des droits aux victimes de la traite en raison de leur âge, sexe, genre, nationalité ou autre situation. Il est important de noter que le statut migratoire, y compris le statut de migrant en situation irrégulière ou de non-citoyen d'une victime, ne peut être un motif de refus de protection. Le principe de non-discrimination est inscrit dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme d'application générale, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH). Il figure également dans des traités spécialisés, notamment la Convention relative aux droits de l'enfant (CIDE) et la Convention relative aux droits des personnes handicapées, entre autres.
Comme l'indique le Commentaire du HCDH sur les Principes et directives concernant les droits de l'homme et la traite des êtres humains, "si l'État fait une distinction entre les droits qu'il accorde aux victimes de la traite (spécifiquement ou indirectement en rapport avec leur immigration ou autre statut) et les protections qu'il accorde aux autres, une telle distinction doit être raisonnablement justifiable. Toute exception ou exclusion doit servir un objectif légitime de l'État et être proportionnelle à la réalisation de cet objectif. Il est peu probable qu'une distinction ou une exclusion qui porte atteinte aux droits fondamentaux de l'individu concerné soit justifiable.”
Un certain nombre de droits de l'homme sont expliqués dans le Module 2 de cette série de modules universitaires, tandis que la protection spéciale à laquelle ont droit les enfants victimes est examinée plus en détail dans le Module 12. Ce Module donne un bref aperçu de certains des principaux droits des victimes de la traite.
Si les victimes de la traite jouissent de nombreux droits en vertu du droit international, certains d'entre eux sont particulièrement pertinents. Certains droits sont particulièrement importants pour s'attaquer aux causes de la traite (comme le droit à la sécurité sociale), tandis que d'autres seront au cœur du processus même de la traite (comme le droit de ne pas être soumis au travail forcé) et de la réponse aux victimes après des situations de traite (comme le droit au meilleur état de santé possible).
Le Commentaire sur les Recommandations des Principes et directives concernant les droits de l'homme et à la traite des êtres humains souligne les droits de l'homme essentiels pour lutter contre la traite des personnes. Il s'agit :
Ces droits découlent de divers articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH).
Comme on l'a vu plus haut, certains groupes de victimes se voient accorder des droits supplémentaires en vertu du droit international en raison de leur statut spécial. Plusieurs instruments internationaux traitent des droits et des besoins de protection de catégories particulières d'individus. Par exemple, les droits des enfants sont énumérés dans la Convention relative aux droits de l'enfant, les droits des personnes handicapées sont énoncés dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées, les droits des travailleurs migrants sont protégés par divers instruments de l'OIT et la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et les droits des réfugiés sont consacrés par la Convention relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967. Il convient de noter que, lorsque les victimes de la traite sont également des migrants faisant l'objet d'un trafic illicite, des mesures d'assistance et de protection supplémentaires, quoique quelque peu superficielles, leur sont accordées au titre du Protocole contre le trafic illicite de migrants (voir Module 2).
Le droit de non-refoulement de certaines victimes de la traite revêt une importance particulière. D'une manière générale, ce droit exclut le retour d'une personne dans un lieu où elle risquerait réellement d'être persécutée ou exposée à un risque réel de subir d'autres formes graves de mauvais traitements. La protection contre le refoulement revient aux personnes à qui le statut de réfugié a été accordé en vertu de la Convention sur les réfugiés ; à ce titre, les personnes bénéficient de cette protection jusqu'à ce qu'il soit déterminé qu'elles ne sont pas des réfugiés. Atak et Simeon (2014) examinent certaines des intersections entre la traite et le droit des réfugiés et notent les défis que doivent relever les victimes de la traite qui cherchent une protection internationale.
Les Principes directeurs du HCR sur la protection internationale contre la traite des personnes fournissent des conseils d'interprétation pour la détermination du statut de réfugié des victimes, et des victimes potentielles, de la traite. Bien que toutes les victimes ne soient pas des réfugiés, les Lignes directrices reconnaissent plusieurs circonstances dans lesquelles elles peuvent l'être.
"Une demande de protection internationale présentée par une victime ou une victime potentielle de la traite peut survenir dans un certain nombre de circonstances distinctes. La victime peut avoir été victime de la traite à l'étranger, avoir échappé à ses trafiquants et demander la protection de l'État où elle se trouve actuellement. La victime peut avoir été victime de la traite sur le territoire national, avoir échappé à ses trafiquants et avoir fui à l'étranger à la recherche d'une protection internationale. Il se peut que la personne concernée n'ait pas été victime de la traite, mais qu'elle craint d'en être victime et qu'elle ait fui à l'étranger à la recherche d'une protection internationale. Dans tous ces cas, la personne concernée doit être reconnue comme ayant une " crainte fondée de persécution " liée à un ou plusieurs des motifs énoncés dans la Convention afin d'être reconnue comme réfugiée ".
Lorsque les victimes de la traite ne sont pas des réfugiés, elles peuvent toujours obtenir le droit de non-refoulement en vertu du droit international relatif aux droits humains. En vertu de certains instruments, ce droit s'applique lorsque des personnes sont exposées à un risque réel de mauvais traitements graves, c'est-à-dire de mort, de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant si elles sont renvoyées dans leur pays d'origine. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 3), le PIDCP (articles 6 et 7) et la CIDE contiennent tous, explicitement ou implicitement, un tel droit (articles 6 et 37).