Comme l'indiquent les Principes et directives concernant les droits de l'homme et la traite des êtres humains, "le fait de ne pas identifier correctement une victime de la traite risque d'entraîner un nouveau déni des droits de cette personne. Les États ont donc l'obligation de veiller à ce qu'une telle identification puisse avoir lieu et ait effectivement lieu ". L'identification précoce et précise des personnes en tant que victimes devrait être considérée comme une priorité, afin de s'assurer que :
Une approche des victimes de la traite fondée sur les droits de l'homme est importante pour l'identification. McAdam (2013, pp. 43-44) note qu'une telle approche, dans le contexte de l'identification, exige que les autorités frontalières (et autres) aient la capacité de veiller au respect des droits et de la dignité des migrants. Elles devraient également être formées et équipées pour faire les renvois appropriés lorsqu'elles croient qu'une personne est une victime.
Lorsqu'il s'agit de déterminer si une personne est une victime, il suffit d'avoir des motifs raisonnables, et non une preuve absolue (voir le Module 6 pour une liste d'indicateurs de la traite). Dans certains cas, il sera clair, d'après les informations disponibles, qu'une personne est une victime. Dans d'autres, la situation sera moins certaine. Dans ces cas, la personne devrait bénéficier du bénéfice du doute jusqu'à ce que son statut puisse être clarifié par des enquêtes complémentaires. De même, s'il n'est pas clair si un individu est ou non un enfant (moins de 18 ans), il devra être traité comme tel jusqu'à ce que son âge correct soit établi.
Il est généralement plus facile de révoquer le statut de victime d'une personne si et quand plus d'informations sont révélées que de tenter de lui donner le statut de victime rétrospectivement à une date ultérieure. Les victimes qui ne sont pas identifiées comme telles peuvent faire l'objet de poursuites pour des infractions commises pendant leur exploitation, et celles qui sont des migrants irréguliers peuvent être expulsées vers leur pays d'origine. D'autres peuvent retomber sous le contrôle des trafiquants ou, pour une raison ou une autre, devenir inaccessibles à ceux qui souhaitent leur venir en aide (Processus de Bali, 2015).
Il convient de noter que la majorité des activités de lutte contre la traite ont été axées sur l'identification des victimes qui ont déjà été exploitées ou sont en train de l'être. L'identification de ces victimes est plus facile, mais il est également important d'identifier les personnes vulnérables à l'exploitation et à la traite des personnes. Il est important de mettre l'accent sur l'identification précoce dans les efforts de prévention (McAdam 2013, p. 48).
Il est important de faire une distinction entre la détermination de la question de savoir si une personne est victime de la traite et l'évaluation de la possibilité d'intenter une action pénale contre ses trafiquants. Les victimes devraient être identifiées en tant que telles et bénéficier d'une protection, d'une assistance et d'un soutien, même si les responsables de l'application des lois décident qu'il n'y a pas suffisamment de preuves pour engager des poursuites efficaces ou si le trafiquant ne peut être identifié ou retrouvé. Brunovskis et Skilbrei (2016) examinent certains arguments importants en faveur d'une protection non conditionnelle aux poursuites.
Le succès des poursuites engagées contre les trafiquants dépend dans une large mesure du témoignage des victimes. L'expérience a montré à maintes reprises que le traitement respectueux et sensible des victimes d'une manière reconnaissant leurs droits et contribuant à leur réadaptation et à leur réinsertion dans la communauté accroît la probabilité qu'elles coopèrent avec les autorités de la justice pénale pour poursuivre les délinquants, tout en renforçant leur efficacité potentielle comme témoins devant les tribunaux. Il a été observé que, lorsque le soutien aux victimes est trop étroitement lié aux réponses de la justice pénale à la traite des personnes, cela peut avoir un effet négatif sur le succès et le nombre de poursuites. Comme le fait remarquer Davy (2017, p. 129), " la participation des victimes de la traite au processus de justice pénale peut comporter des risques importants et continus pour leur sécurité personnelle, ainsi que pour leur bien-être physique et émotionnel, pour un bénéfice minime ou même nul. Par conséquent, il est essentiel que les victimes bénéficient de programmes de soutien solides et significatifs.
Comme le fait remarquer Elliott (2009, p. 732), l'identification des victimes de la traite est souvent difficile. Souvent, les victimes ne s'identifient pas, ce qui oblige les tiers à prendre des mesures actives. Les personnes peuvent ne pas s'identifier comme victimes pour diverses raisons, notamment :
Lors de la conception et de la mise en œuvre des programmes d'identification, tous les défis susmentionnés devraient être pris en compte.
Les victimes et les victimes présumées devraient bénéficier d'un temps de réflexion (au moins des semaines et de préférence des mois) pour réfléchir à leur épreuve, décider si elles sont des victimes et prendre une décision éclairée quant à leur volonté de coopérer avec les organismes chargés de l’application de la loi pour poursuivre leurs trafiquants.
Les victimes présumées devraient être informées que ce délai de réflexion leur est ouvert, qu'elles acceptent ou non de témoigner contre leurs trafiquants. Malheureusement, les autorités de l'État omettent souvent de donner aux individus des informations adéquates et suffisamment de temps pour réfléchir aux choix qui leur sont demandés.
L'article 13 de la Convention du Conseil de l'Europe dispose que "[c]haque Partie doit fournir dans son droit interne un délai de rétablissement et de réflexion d'au moins 30 jours, lorsqu'il y a des motifs raisonnables de croire que la personne concernée est une victime. Ce délai est suffisant pour permettre à la personne concernée de se rétablir et d'échapper à l'influence des trafiquants et/ou de prendre une décision en connaissance de cause de coopérer avec les autorités compétentes. Pendant cette période, il n'est pas possible d'exécuter une mesure d'expulsion à son encontre. Cette disposition est sans préjudice des activités menées par les autorités compétentes à tous les stades de la procédure nationale pertinente, et en particulier lors des enquêtes et des poursuites relatives aux infractions concernées. Pendant cette période, les Parties autorisent les personnes concernées à séjourner sur leur territoire".
L'article 6 de la directive 2004/81/CE du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2004 impose aux États membres d'accorder un délai de réflexion aux victimes pour leur permettre de se rétablir et d'échapper à l'influence des trafiquants afin qu'elles puissent prendre une décision en connaissance de cause sur leur coopération avec les autorités. L'article 7 décrit l'aide à offrir aux victimes pendant le délai de réflexion, si la législation nationale le prévoit, notamment :
La période de réflexion dans les pays de destination, (...) est primordiale pour aider les victimes de la traite à se remettre de leur expérience sans ressentir la pression de la détention et/ou de l'expulsion, leur permettant ainsi de faire des choix informés sur leur avenir.
Pendant la période de réflexion, les victimes présumées de la traite bénéficient d'un statut juridique et d'une protection contre la détention et l'expulsion dans les pays de destination. Pendant cette période, les victimes de la traite ont accès à certains services d'appui, tels qu'un logement approprié et sûr, des conseils psychologiques, des services sociaux et des soins de santé, ainsi que des conseils professionnels, notamment juridiques. Ces mesures visent à les aider à se remettre du traumatisme d'avoir été victimes de la traite et à rester à l'abri des trafiquants. Le délai de réflexion est destiné à permettre aux victimes de la traite de se remettre suffisamment de leur expérience pour qu'elles puissent vouloir en parler et prendre des décisions en connaissance de cause quant à l'opportunité d'engager une action en justice contre le trafiquant et d'engager des poursuites judiciaires concernant les demandes d'indemnisation. Étant donné que de telles décisions ont des conséquences graves et profondes tant pour la vie de la personne concernée que pour la sécurité des membres de sa famille dans le pays d'origine, la victime de la traite a besoin de temps pour évaluer toutes les conséquences possibles de son choix. Les avocats spécialisés dans la lutte contre la traite et la protection des victimes recommandent un délai de réflexion d'au moins trois mois, comme cela est accordé par certains pays de destination.
Principaux avantages du délai de réflexion :
Principaux inconvénients du délai de réflexion :
Belgique
En Belgique, les victimes de la traite des êtres humains bénéficient d'un délai de réflexion de 45 jours. L'une des principales conditions du délai de réflexion est que la victime doit rompre les liens avec les trafiquants et accepter l'aide d'un centre spécialisé. Si la victime décide de faire une déclaration, elle reçoit un document de séjour appelé "déclaration d'arrivée" ("aankomstverklaring") pour une période de trois mois. Un mois avant l'expiration de cette "déclaration d'arrivée", le Bureau de l'immigration s'informe auprès du Bureau du Procureur et, si la personne est considérée comme victime de la traite et que la plainte déposée contre le trafiquant fait toujours l'objet d'une enquête judiciaire, le Bureau de l'immigration peut approuver la délivrance d'un deuxième permis de séjour temporaire, valable pour six mois. Avec l'un ou l'autre de ces documents, la victime est autorisée à accéder au marché du travail. La victime bénéficiera également d'une protection sociale et aura droit à l'éducation et à une assistance juridique et psychologique.
République Tchèque
Le Gouvernement de la République tchèque prévoit un délai de réflexion de 30 jours au cours duquel les victimes peuvent décider de coopérer ou non avec les services de détection et de répression des trafiquants. Les victimes qui participent au processus de justice pénale se voient accorder un permis de résidence temporaire et un visa de travail pour la durée de la procédure pénale et, à l'issue du procès, peuvent demander la résidence permanente.
Portugal
Les victimes de la traite disposent d'un délai de réflexion de 30 à 60 jours pour décider si elles porteront plainte ou non contre leur(s) trafiquant(s). Ces personnes ont droit à un permis de séjour d'un an, quelle que soit leur décision.
Monténégro
L'Instruction sur les conditions et les modalités de réglementation du séjour des ressortissants étrangers victimes de la traite, publiée par le Ministère de l'intérieur de la République du Monténégro, accorde aux victimes de la traite un délai de rétablissement et de réflexion de trois mois.
Dans le processus d'identification des victimes, il est important de garder à l'esprit que les personnes interrogées peuvent inclure d'autres catégories de personnes vulnérables qui ont droit à une protection et à une assistance, notamment:
(a) Enfants: en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant (CIDE), tous les enfants ont des droits en tant qu'enfants. Le fait de conclure qu'un enfant n'est pas victime de la traite ne doit pas amener les autorités à négliger d'autres droits auxquels il a droit en tant qu'enfant
(b) Demandeurs d'asile/Réfugiés: de nombreux migrants identifiés par les autorités fuient l'oppression de leur propre pays et peuvent être éligibles à l'asile.
(c) Victimes d'autres crimes: il se peut qu'une personne interrogée ne soit pas une victime de la traite mais soit victime d'un autre crime.