Le terme "humanitarisme" (à ne pas confondre avec "l'exemption humanitaire" abordée dans le Module 1), a été interprété de différentes manières. Certains le voient seulement comme le fait de sauver des vies et de fournir un soulagement immédiat aux personnes qui souffrent dans des situations d'urgence. D'autres le voient comme le renforcement et la protection des droits de l'homme (Cuttitta, 2017). D'autres encore adoptent une perspective plus large englobant le fait de promouvoir le bien-être de l'humanité. Que l’humanitarisme soit perçu à travers un prisme plus ou moins large, les droits de l’homme sont inextricablement liés aux approches humanitaires. Pour plus de détails sur certaines interprétations de l'humanitarisme, voir l'Encadré 13.
Quelle est la place de l'humanitarisme et de son intérêt intrinsèque pour les droits de l'homme dans la lutte contre le trafic illicite de migrants ? Les États ont eu tendance à affirmer que les réponses humanitaires au traficillicite de migrants constituaient un facteur d'attraction. Par exemple, il a été avancé que les opérations maritimes visant à sauver les migrants en mer encouragent les passeurs à envoyer des migrants, avec la promesse qu'ils seront appréhendés et conduits à la destination souhaitée. La disponibilité de mécanismes d'accueil axés sur les droits pour les migrants faisant l’objet du traficillicite, y compris la disponibilité des procédures d'asile, peut avoir un effet similaire. En réaction, et par souci de dissuader le trafic illicite de migrants, les États ont eu tendance à renforcer, voire à externaliser, le contrôle de leurs frontières, afin d'empêcher les migrants en situation irrégulière d'entrer sur leur territoire et pour ne pas respecter leurs obligations en matière de droits de l'homme.
Comme indiqué dans les premières sections de ce module, ces approches ne sont pas nécessairement efficaces pour réduire le trafic illicite de migrants. Ils peuvent également porter atteinte aux personnes souhaitant ou tentant de migrer de manière irrégulière en utilisant les services de passeurs et leur refuser des droits fondamentaux. La lutte contre le trafic illicite de migrants ne devrait pas être exclusivement considérée comme une affaire d’application de la loi, car sinon, les initiatives de lutte contre le trafic illicite de migrants risquent d’être inefficaces, contre-productives et contraires aux obligations internationales des États. Comme indiqué dans le Module 4, les approches fondées sur la sécurité ne sont qu'un élément d'une stratégie globale solide visant à lutter contre le trafic illicite de migrants et à supprimer ce phénomène (OIM, 2017).
Néanmoins, il est difficile de trouver un équilibre entre les approches humanitaires et sécuritaires du trafic illicite de migrants et il n’existe souvent aucune solution claire. S'il est souhaitable que les États respectent pleinement les droits de l'homme, y compris ceux qui sont dus aux migrants faisant l’objet du trafic illicite (voir le Module 2), il est difficile de le faire sans compromettre une action efficace contre le trafic illicite de migrants (Gallagher et Carling, 2017). La complexité des intérêts, des droits, des obligations et des motivations en jeu souligne encore la nécessité de stratégies globales, multidisciplinaires et holistiques pour lutter efficacement contre le trafic illicite de migrants, en mettant l'accent sur la prévention de la criminalité en s'attaquant aux causes profondes et en ouvrant des voies de migration légales.