La version anglophone de ce module a été publié en janvier 2019 et la version francophone en janvier 2021.
Le trafic illicite de migrants, tel que défini dans le Module 1, est une forme de criminalité transnationale organisée et est souvent géré comme une entreprise. De nombreux domaines du droit sont pertinents pour la prévention et la répression du trafic illicite de migrants, notamment le droit pénal, la législation relative au travail et aux droits de l'homme. L'application du droit pénal est évidente. S'attaquer au trafic illicite de migrants inclut nécessairement l'incrimination du trafic, conformément à l'article 6 du Protocole relatif au trafic illicite de migrants. Les personnes qui commettent des délits de trafic illicite de migrants doivent être poursuivies et punies.
Comme indiqué dans le Module 2, les lois relatives aux droits de l'homme sont essentielles pour garantir le respect des droits des migrants, non seulement en tant qu'objectif en soi, mais également pour inciter et faciliter la coopération avec les autorités nationales des personnes faisant l’objet du trafic illicite de migrants et d'autres témoins. C'est en outre un moyen de lutter contre les services offerts par les passeurs.
Les lois sur le travail sont également essentielles pour lutter contre les services de trafic illicite de migrants. De nombreuses personnes faisant l’objet d’un trafic illicite de migrants ainsi que des migrants en situation irrégulière, sont employés dans les économies souterraines des pays de destination. Réglementer correctement le marché du travail et cibler ceux qui tirent parti de la situation vulnérable des personnes faisant l’objet d’un trafic illicite de migrants, notamment pour réduire les coûts de production et augmenter les profits, va perturber le modèle d’affaires des groupes criminels organisés dédiés au trafic illicite de migrants.
Comme indiqué dans le Module 1, le cadre juridique contre le trafic illicite de migrants doit inclure des garanties pour que ceux qui facilitent l'entrée illégale pour des raisons humanitaires ou de solidarité, sans chercher à obtenir un avantage financier ou un autre avantage matériel, soient exclus de l'application des délits de trafic, tels que définis dans le Protocole relatif au trafic illicite de migrants. Là où les États jugent toujours approprié de sanctionner ce comportement, la réponse adéquate, hors du domaine du droit pénal, pourrait consister en des sanctions administratives.
Les lois relatives aux télécommunications et à la vie privée ont également un rôle à jouer. Ils peuvent, par exemple, être utilisés pour empêcher la diffusion à grande échelle de la publicité pour les services de trafic illicite de migrants ou pour faciliter le partage de données relatives à un comportement criminel avec les forces de l'ordre. L'application de ces lois est décrite dans le Module 3 et est analysée plus en détail dans le Module 14.
De nombreux aspects des lois sur la migration sont également pertinents, dans la mesure où ils contribuent à prévenir, détecter ou réprimer le trafic illicite de migrants. Par exemple, l’ouverture de nouvelles voies de migration légale pourrait entraîner une réduction de la demande de services de trafic illicite de migrants (voir le Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière). De plus, comme certaines personnes faisant l‘objet du trafic illicite de migrants sont des migrants en situation irrégulière, la législation relative à la migration est pertinente pour supprimer le trafic illicite en dissuadant la migration irrégulière. Cela définirait probablement, dans une large mesure, les droits des migrants en situation irrégulière (ou l’absence de droits), les procédures applicables après la détection, ainsi que les mesures destinées à contrôler la migration irrégulière aux frontières.
La loi sur les réfugiés ne s’applique pas à tous les migrants faisant l’objet de trafic illicite, car tous les migrants faisant l’objet de trafic illicite ne sont pas des réfugiés ou n'ont pas besoin d'une protection internationale. Cependant, comme indiqué dans le Module 5, les services de passeurs sont parfois la seule voie disponible, voire le dernier recours, pour les réfugiés et pour d’autres personnes qui ont droit à une protection internationale. L'existence d'une telle protection et le principe de non-refoulement sont des principes fondamentaux du droit international coutumier, et sont contraignants pour tous les États.
Il est important de signaler que le trafic illicite de migrants n’a pas lieu en vase clos. Il est généralement lié à plusieurs éléments qui le favorisent, tels que la présence de groupes criminels organisés bien structurés aux ressources sophistiquées, les facteurs politiques et économiques dans les pays d'origine, le manque de voies de migration régulières et la demande de main-d'œuvre bon marché dans les pays de destination. Ces différents facteurs peuvent chacun être abordés par certains domaines du droit, qui peuvent dans certains cas interagir. Par exemple, le droit pénal peut cibler les groupes criminels organisés, un système de réfugiés efficace peut en partie lutter contre les services de trafic, tandis que le droit sur le travail et l’immigration peuvent contribuer à ouvrir des voies régulières de migration. Il convient de garder à l’esprit qu’aucun des domaines du droit mentionnés ci-dessus n’est efficace pour lutter isolément contre le trafic illicite de migrants. Seule une approche cohérente et holistique combinant différents domaines du droit, des politiques et des pratiques peut finalement être couronnée de succès.