
TITRE PREMIER : DES CONDITIONS DE L'EXTRADITION
Article 1
En l'absence de traité, les conditions, la procédure et les effets de l'extradition sont déterminés par les dispositions de la présente loi.(1)
La présente loi s'applique également aux points qui n'auraient pas été réglementés par les traités.
Article 2
Aucune remise ne pourra être faite à un Gouvernement étranger de personnes n'ayant pas été l'objet de poursuites ou d'une condamnation pour une infraction prévue par la présente loi.
Article 3
Le Gouvernement français peut livrer, sur leur demande, aux Gouvernements étrangers tout individu non Français ou non ressortissant français qui, étant l'objet d'une poursuite intentée au nom de l'Etat requérant ou d'une condamnation prononcée par ses Tribunaux, est trouvé sur le territoire de la République ou de ses possessions coloniales.
Néanmoins, l'extradition n'est accordée que si l'infraction cause de la demande a été commise :
Soit sur le territoire de l'Etat requérant par un sujet de cet Etat ou par un étranger ;
Soit en dehors de son territoire par un sujet de cet Etat ;
Soit en dehors de son territoire par un individu étranger à cet Etat, quand l'infraction est au nombre de celles dont la loi française autorise la poursuite en France, alors même qu'elles ont été commises par un étranger à l'étranger.
Article 4
Les faits qui peuvent donner lieu à l'extradition, qu'il s'agisse de la demander ou de l'accorder, sont les suivants :
1o Tous les faits punis de peines criminelles par la loi de l'Etat requérant ;
2o Les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l'Etat requérant, quand le maximum de la peine encourue, aux termes de cette loi est de deux ans ou au-dessus, ou, s'il s'agit d'un condamné, quand la peine prononcée par la juridiction de l'Etat requérant est égale ou supérieure à deux mois d'emprisonnement.
En aucun cas l'extradition n'est accordée par le Gouvernement français si le fait n'est pas puni par la loi française d'une peine criminelle ou correctionnelle.
Les faits constitutifs de tentative ou de complicité sont soumis aux règles précédentes à condition qu'ils soient punissables d'après la loi de l'Etat requérant et d'après celle de l'Etat requis.
Si la demande a pour objet plusieurs infractions commises par l'individu réclamé et qui n'ont pas encore été jugées, l'extradition n'est accordée que si le maximum de la peine encourue, d'après la loi de l'Etat requérant, pour l'ensemble de ces infractions, est égal ou supérieur à deux ans d'emprisonnement.
Si l'individu réclamé a été antérieurement l'objet, en quelque pays que ce soit, d'une condamnation définitive à deux mois d'emprisonnement, ou plus, pour un délit de droit commun, l'extradition est accordée, suivant les règles précédentes, c'est-à-dire seulement pour les crimes ou délits, mais sans égard au taux de la peine encourue ou prononcée pour la dernière infraction.
Les dispositions précédentes s'appliquent aux infractions commises par des militaires, marins ou assimilés lorsqu'elles sont punies par la loi française comme infraction de droit commun.
Il n'est pas innové, quant à la pratique relative à la remise des marins déserteurs.
Article 5
L'extradition n'est pas accordée :
1o Lorsque l'individu, objet de la demande, est un citoyen ou un protégé français, la qualité de citoyen ou de protégé étant appréciée à l'époque de l'infraction pour laquelle l'extradition est requise ;
2o Lorsque le crime ou délit a un caractère politique ou lorsqu'il résulte des circonstances que l'extradition est demandée dans un but politique.
En ce qui concerne les actes commis au cours d'une insurrection ou d'une guerre civile, par l'un ou l'autre des partis engagés dans la lutte et dans l'intérêt de sa cause, ils ne pourront donner lieu à l'extradition que s'ils constituent des actes de barbarie odieuse et de vandalisme défendus suivant les lois de la guerre, et seulement lorsque la guerre civile a pris fin ;
3o Lorsque les crimes ou délits ont été commis en France ou dans les possessions coloniales françaises ;
4o Lorsque les crimes ou délits quoique commis hors de France ou des possessions coloniales françaises, y ont été poursuivis et jugés définitivement ;
5o Lorsque, d'après les lois de l'Etat requérant ou celles de l'Etat requis, la prescription de l'action s'est trouvée acquise antérieurement à la demande d'extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l'arrestation de l'individu réclamé et d'une façon générale toutes les fois que l'action publique de l'Etat requérant sera éteinte.
Article 6
Si, pour une infraction unique, l'extradition est demandée concurremment par plusieurs Etats, elle est accordée de préférence à l'Etat contre les intérêts duquel l'infraction était dirigée, ou à celui sur le territoire duquel elle a été commise.
Si les demandes concurrentes ont pour cause des infractions différentes, il est tenu compte, pour décider de la priorité, de toutes circonstances de fait, et notamment :
De la gravité relative et du lieu des infractions, de la date respective des demandes, de l'engagement qui serait pris par l'un des Etats requérants de procéder à la réextradition.
Article 7
Sous réserve des exceptions prévues ci-après l'extradition n'est accordée qu'à la condition que l'individu extradé ne sera ni poursuivi, ni puni pour une infraction autre que celle ayant motivé l'extradition.
Article 8
Dans le cas où un étranger est poursuivi ou a été condamné en France, et où son extradition est demandée au Gouvernement français à raison d'une infraction différente, la remise n'est effectuée qu'après que la poursuite est terminée et, en cas de condamnation, après que la peine a été exécutée.
Toutefois, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que l'étranger puisse être envoyé temporairement pour comparaître devant les Tribunaux de l'Etat requérant, sous la condition expresse qu'il sera renvoyé dès que la justice étrangère aura statué.
Est régi par les dispositions du présent article le cas où l'étranger est soumis à la contrainte par corps par application des lois du 22 juillet 1867 et du 19 décembre 1871.